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    L’archéologie en Normandie

    Par Laurent Ridel• 14 sept, 2010 • 

     

    Fouillée dès le règne de Louis XIV, la Normandie s’affirme pionnière dans l’aventure archéologique en France. Après plus de trois cents ans de recherches et de prospection, l’archéologie régionale peut aujourd’hui se féliciter d’avoir beaucoup apporté à la connaissance des sociétés anciennes et de leurs lieux de vie. Laurent Ridel nous explique les méthodes et les résultats de cette discipline scientifique qui s’intéresse aussi bien aux pierres taillées laissées par les hommes préhistoriques qu’aux objets abandonnés par les soldats du Débarquement le 6 juin 1944.

     

     

    Une archéologue au travail

     

    Une archéologue au travail (Dalbera sur Flickr - Creative Commons)


    - La Normandie pourrait être la première région française à connaître des fouilles archéologiques. A quand remontent-elles ?


    - Les thermes gallo-romains de Valognes aurait été le premier lieu fouillé en Normandie, si ce n’est en France. C’était en 1675. Dix ans plus tard, l’abbé Cocherel procéda à la première fouille de sauvetage, une sépulture néolithique à Houlbec-Cocherel. Pour vous donner un ordre d’ancienneté, le célèbre site de Pompéi ne sera fouillé qu’à partir de 1748.

    - Qu’appelez-vous une fouille de sauvetage ?


    - C’est une fouille rendue urgente par un aménagement qui provoquera la destruction du site archéologique. Aujourd’hui, la plupart des fouilles sont en fait des fouilles de sauvetage (appelées aussi fouilles préventives). La construction d’un parking souterrain, d’une autoroute ou l’aménagement d’une zone d’activités révèlent généralement un ou plusieurs sites archéologiques. Il faut les fouiller rapidement avant d’abandonner le lieu aux aménageurs. Depuis 2001, la loi rend obligatoire les fouilles préventives avant tout aménagement du territoire. L’INRAP (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives) assure la plupart de ces fouilles.

    - Je suppose que depuis les premières fouilles du XVIIe siècle, les méthodes ont beaucoup évolué…


    - En un mot, l’archéologie s’est professionnalisée. Elle est devenue une activité scientifique à part entière. Dans les premiers siècles, la fouille était grossière. On déblayait jusqu’à retrouver les murs, et on récupérait les objets les plus intéressants dans la terre (pièces de monnaie, bijoux, vases, statues…). Aujourd’hui l’archéologue enlève la terre couche par couche et note les anomalies du terrain (des traces de trous de poteau par exemple) et l’endroit précis où les objets sont extraits. Il réalise de nombreux relevés du terrain et dessine les murs dégagés, pierre par pierre. Sur certains sites, on va même jusqu’à recueillir les graines par tamisage de la terre pour deviner ce que les hommes cultivaient. Il arrive aussi qu’on capture les pollens de l’époque pour connaître la flore environnante. L’objectif est de recueillir le maximum de renseignements. Cette méticulosité est d’autant plus importante qu’à force de creuser, l’archéologue fait disparaître ce qu’il vient de mettre au jour. Autrement dit, l’archéologue, ne cessant de détruire son objet d’étude, doit impérativement prendre note de tout ce qu’il a trouvé.

     

    - Autre évolution, depuis quelques dizaines d’années, quelques programmes de recherches s’étendent sur des centaines d’hectares. Dès 1977, Claude Lorren a fouillé Saint-Martin de Trainecourt dans la banlieue caennaise ; plus récemment, Cyril Marcigny et Bruno Aubry ont dirigé les fouilles du Long-Buisson dans la banlieue d’Évreux et Guy San Juan s’est concentré sur le plateau de Thaon au nord-ouest de Caen. Quelle est l’intérêt de fouiller ou de prospecter sur de si grandes aires ?


    - Le principal objectif de ces grandes fouilles n’est pas de reconstituer l’histoire d’un site mais celle d’un terroir. Limiter spatialement sa fouille à une villa, une nécropole, un village ne permet pas de comprendre comment le site s’insérait dans son environnement et quelles relations entretenait-il avec cet environnement. Un site n’est jamais isolé ; autour, s’étend un système parcellaire, se déploie un réseau de chemins et se rencontrent d’autres sites. Du coup, on sait aujourd’hui bien mieux à quoi ressembler un coin de campagne à l’époque gauloise ou carolingienne.

     

     

    Le site archéologique de Vieux-la-Romaine

     

    Le site archéologique de Vieux-la-Romaine. L’archéologue Pascal Vipard et son équipe ont fouillé une belle demeure romaine. Aujourd’hui, le public peut visiter le lieu qui a été mis en valeur et en partie reconstitué.

      

      

    - Les sépultures sont en particulier des mines d’informations qui renseignent bien au-delà des rites funéraires. Que découvrent les archéologues ?
    - Les sépultures livrent en effet beaucoup d’informations. Du moins surtout si elles datent de périodes pendant lesquelles l’homme enterrait ses morts « habillés », c’est-à-dire avec vêtements et objets. Ce fut par exemple le cas à l’âge du Fer ou à l’époque mérovingienne. Parfois, il ne reste rien des os mais subsistent les éléments accompagnant le défunt. A Éterville, à Ifs, à Agneaux, à Frénouville, à Moult, on a retrouvé des éléments de parures (des colliers, des fibules, des bracelets, des plaques-boucles…). On dégage aussi de ces tombes des objets du quotidien, principalement des récipients en céramique.

    - Certains squelettes du Néolithique portaient des traces d’interventions chirurgicales…

    - Vous faites sûrement référence aux fouilles du Val-de-Reuil et de Mauny. Au lieu-dit les Varennes, au Val-de-Reuil, l’équipe de Guy Verron a trouvé un radius qui avait été réduit de quelques centimètres suite à une opération. À Mauny, des individus portaient des traces de trépanations et vu la cicatrisation de la perforation, on peut garantir qu’ils ont survécu à ces interventions.

    - La Normandie n’a pas sa Lucy, l’acidité du sol normand ayant détruit les plus anciens squelettes. Pourtant nous savons que la Normandie était parcourue par les premiers hommes il y a plus de 250 000 ans. Quels sont les indices laissés par les premiers « Normands » ?

    Au premier chef, les silex taillés. L’outil emblématique des hommes du Paléolithique était le biface, une pierre entièrement remodelée en forme d’amande, par percussion. On en retrouve un peu partout en Normandie. Dans le nord du Cotentin, qui a bénéficié de prospections archéologiques très poussées, les archéologues sont parvenus à mettre en évidence des traces de foyers entourés de galets. Les premiers « Normands » maîtrisaient en effet le feu.

    - Des fouilles sous-marines ont été conduites au large du département de la Manche. Ça rappelle Alexandrie !
    - Sauf que ce n’était pas pour retrouver une des sept merveilles du monde antique. Les rivages du Cotentin recèlent d’épaves coulées. Par exemple, en 1692, la bataille navale de la Hougue entre Anglo-Néerlandais et Français précipita une dizaine de gros navires au fond de la mer. Une partie des bateaux fut retrouvée il y a une vingtaine d’années près des berges de l’île de Tatihou. Tout bois resté dans l’eau se conservant plusieurs siècles, des archéologues-plongeurs ont pu analyser les coques et ainsi mieux comprendre les techniques de construction navale à l’époque de Louis XIV.

    - Donc cette fouille prouve que l’archéologie peut s’intéresser à des périodes assez récentes comme le XVIIe siècle. Y-a-t-il une date d’ancienneté minimale pour justifier une investigation archéologique ?
    - A vrai dire, non. S’il est vrai que les investigations archéologiques concernent généralement des sites antérieurs au Moyen Âge, les archéologues s’intéressent aussi aux périodes très proches. En Normandie, par exemple, des recherches sont menées sur les vestiges de la Seconde Guerre Mondiale comme le Mur de l’Atlantique ou les objets laissés sur les plages du Débarquement.

    - Mais que peut-on apprendre de plus ? Je comprends bien que pour les périodes très anciennes (préhistoire, protohistoire), l’archéologie constitue une source essentielle d’informations à défaut d’écrits mais pour l’époque moderne, les historiens disposent tout de même d’archives en abondance…
    - Les sources écrites ne peuvent pas éclairer tout le passé. Par exemple, elles sont largement insuffisantes pour raconter la vie quotidienne. Elles sont aussi insuffisantes dans l’étude des installations industrielles ou artisanales car même si les textes nous permettent de connaître l’existence voire la localisation d’un site industriel, on ne sait généralement rien sur son fonctionnement. C’est tout l’intérêt des fouilles menées sur l’ancienne mine de charbon du Molay-Littry ou le moulin à fer du Glinet près de Forges-les-Eaux. De même, les programmes de recherches archéologiques sur l’histoire du paysage se justifient pour toutes les périodes, récentes ou anciennes, car là encore, les archives sont peu loquaces.

    - Quelle image de la ville gallo-romaine offrent les archéologues ?
    - En Normandie, les villes gallo-romaines n’avaient rien à envier aux villes de Provence ou du Languedoc. Elles avaient leur centre monumental bâti autour d’un forum. Les archéologues ont reconnu notamment des thermes et des amphithéâtres. On peut toujours voir les vestiges de l’amphithéâtre de Lillebonne, l’un des plus grands de Gaule. Son diamètre atteignait tout de même 148 m. Les fouilles récentes se sont plutôt concentrées autour de ce cœur monumental, dans les quartiers où se concentraient la population et les activités artisanales. A la sortie de la ville, s’étendait le monde des morts, les nécropoles. Les Romains avaient pour principe de ne jamais mêler l’espace des morts avec celui des vivants.

     

    Le château de Caen

     

    Le château de Caen. Ce site archéologique majeur a été fouillé par Michel de Boüard, grand nom de l’archéologie normande.

      

      

    - L’archéologie normande serait à l’origine de l’archéologie médiévale moderne…
    - Oui, plus exactement, l’archéologie médiévale a connu une nouvelle impulsion en Normandie après-guerre. Le mérite revient principalement à un homme, Michel de Boüard, professeur d’histoire de la Normandie à l’université de Caen. Fondateur du Centre de Recherches en Archéologie Médiévale (CRAM), il a enseigné à plusieurs étudiants devenus aujourd’hui de grands archéologues de l’époque médiévale telle Joëlle Burnouf. A la même époque, dans les années 1960 et 1970, l’université de Caen accueillait aussi un historien de qualité en la personne de Lucien Musset. Tous deux ont initié un dialogue fructueux entre archéologie et histoire et ont beaucoup apporté à la connaissance du Moyen Âge. Par son prestigieux passé médiéval, la Normandie était de plus un terreau favorable à ces recherches.

    - Quels sont les principaux sites archéologiques normands ?
    - Le récent livre de Vincent Carpentier, d’Emmanuel Guesquière et Cyril Marcigny sur l’archéologie en Normandie révèlent la richesse des sites normands. Parmi ceux qu’ils proposent, j’en retiendrai deux ou trois mais c’est tout à fait subjectif. J’ai déjà évoqué celui de Saint-Martin de Trainecourt près de Caen. Il a indéniablement éclairé la genèse de nos villages. Près d’Évreux, les fouilles du Long Buisson ont permis de suivre l’évolution d’un terroir de la Protohistoire au Moyen Âge. Vieux-la-Romaine est un autre site important car il se situe sur l’ancienne ville romaine d’Aregenua. Or, il est rare de pouvoir fouiller sur une grande échelle une ville romaine car elles sont en général recouvertes par nos villes modernes. Ce n’est pas le cas à Vieux-la-Romaine.

    - Pouvez-vous nous parler de découvertes exceptionnelles qui ont eu lieu dans la région récemment ?

    - En 2007, une découverte a intrigué la communauté archéologique à Évreux. Les fouilles de la nécropole du Clos-aux-Ducs ont révélé des tombes remplies d’ossements humains mêlés à ceux de chevaux. Elles datent du IIe ou IIIe siècle après J.-C. Cette association hommes-animaux dans la mort est inédite en France. Récemment également, les archéologues ont retrouvé à Aubevoye sur un site du Néolithique ancien (4800-4700 ans avant notre ère) un curieux vase en forme de taureau. Il était presque complet. Le vase était donc monté sur pattes. La partie ventrue de l’animal recueillait les liquides qu’on introduisait par une ouverture en arrière de la tête. Le corps était décoré par des incisions ou des impressions de peigne. Par sa forme et son ancienneté, cette pièce mériterait d’être montrée dans un musée.

    - Le grand public pense que l’archéologie se limite à la fouille. Or, parfois les archéologues abandonnent leur pelle ou leur truelle pour d’autres activités. Certains dessinent et analysent les façades en élévation pour déterminer les phases de construction d’un édifice. C’est l’archéologie du bâti. D’autres pratiquent l’archéologie expérimentale.

      

    En quoi consiste-elle ?
    - Dans le cadre de l’archéologie expérimentale, les archéologues essaient de reproduire les gestes et les techniques d’autrefois. Certains expérimentent la taille du silex et de l’os, imitant les hommes préhistoriques. En Normandie, il y a aussi des archéologues spécialisés dans la production de métaux. L’objectif est de produire un bloc de fer à partir de minerai comme le faisaient les Gallo-Romains ou les hommes du Moyen Âge. La FATRA réalise régulièrement des démonstrations d’archéologie expérimentale à destination du grand public.

     

     

    Démonstration d’archéologie expérimentale

     

    Démonstration d’archéologie expérimentale. Lors des Journées Romaines au Vieil-Évreux en juillet 2007, des archéologues se sont essayés à la métallurgie. Après fonte du minerai dans un four en terre, ils sont parvenus à produire une loupe de fer conséquente.


    - Que deviennent les sites fouillés ?

    - Les sites archéologiques ont trois destinations différentes : premièrement, ils sont tout simplement remblayés afin que l’endroit retrouve son aspect d’origine. Deuxièmement, ils disparaissent pour laisser placer à l’aménagement prévu : une autoroute, un parc d’activités, un immeuble… C’est la destination habituelle des fouilles de sauvetage. Enfin, dernier cas, le site est mis en valeur afin d’être ouvert au public. Vieux-la-Romaine ou le Vieil-Évreux accueillent par exemple un musée archéologique à l’emplacement des fouilles. Parfois, on assiste à une transformation intermédiaire entre les deux dernières destinations : l’aménagement conserve une partie du site archéologique. Dans la médiathèque de Lisieux, le visiteur peut ainsi observer une partie de la voie romaine qui a été mis à jour lors des fouilles préalables à la construction du bâtiment.

    A lire

    Vincent Carpentier, Emmanuel Guesquière et Cyril Marcigny, L’archéologie en Normandie, Rennes, éd. Ouest-France-Inrap, 2007

     

    sources

    http://www.histoire-normandie.fr/larcheologie-en-normandie

     

     

     

     

     

     

     

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  • Le Moyen Âge et la génèse du monde rural

     

    Diaporama

     

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    Château de Boves (Somme). Nesles (Pas-de-Calais).
    Château de Boves (Somme).
    Le site castral qui défend la vallée de l'Avre.
    Nesles (Pas-de-Calais).
    Motte castrale et sa basse-cour.
    Equennes (Somme). Tapisserie de Bayeux
    Equennes (Somme).
    Motte castrale et sa basse-cour
    entourés par le village actuel.
    Tapisserie de Bayeux (Calvados).
    Construction d'une motte castrale.
    Beaurain (Pas-de-Calais). Tapisserie de Bayeux.
    Beaurain (Pas-de-Calais).
    Le site est le Belrem de la Tapisserie de Bayeux.
    Tapisserie de Bayeux (Calvados). Harold, prisonnier est amené au Château de Belrem
    (actuel Beaurain)
    Caché derrière un pilier, un espion prête une oreille attentive

     

     

    SOURCES : SUPERBE BLOG - http://www.archeologie-aerienne.culture.gouv.fr/fr/

     

     

     

     

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  • Le Moyen Âge et la génèse du monde rural

     

    Les forteresses et mottes castrales

     

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    Belleville-sur-Mer (Seine-Maritime). Les rideaux de
    cultures médiévales épousent
    les courbes de niveaux
    curvilignes. Sur le côté gauche,
    on discerne une motte castrale

    Belleville-sur-Mer (Seine-Maritime) Les anomalies du paysage révèlent des retranchements du Haut Moyen Âge, le ré-aménagement d'oppida (Estrun-sur-Escaut, Pas-de-Calais) avec parfois l'implantation d'une motte castrale (L'Étoile et La Cheppe), ou de forteresses plus tardives comme à Boismont (Somme).

    Les photos de mottes castrales, encore en élévation, ne sont pas sans intérêt, même s'il faut attendre des fouilles ou, hélas, des arasements dûs aux remembrements pour apercevoir les habitats seigneuriaux antérieurs

     

    comme à Ablaincourt (Somme). Ces mottes castrales, symboles de puissance tout autant que systèmes défensifs, avec leur église, ont joué un rôle considérable dans la fixation de l'habitat et la formation de nos villages. Tout se met en place à partir du IXe ou du Xe siècle, avec le regroupement des hommes et la constitution des terroirs villageois autour de ces populations rurales sédentarisées (représentant alors 90 à 95 % de la population).

     
    À Ablaincourt (Somme)   À Buire-le-Sec (Pas-de-Calais)

    À Ablaincourt (Somme), le village s'est constitué autour de la basse cour dont la motte castrale vient d'être arasée. On distingue alors l'aula qui l'a précédée
     
    À Buire-le-Sec (Pas-de-Calais), le village s'est moulé contre la motte castrale et sa basse cour, bien visibles grâce à un éclairage frisant à contre-jour

    Certains historiens affirment que de multiples villages naissent seulement après les grands défrichements du XIIe siècle et du début du XIIIe siècle, à l'initiative des seigneurs ; notre paysage actuel se serait ainsi constitué. Toutefois, il n'y a pas, comme en Angleterre, d'habitats totalement abandonnés et fossilisés avec leur parcellaire, à la suite de grandes épidémies de peste. Seuls quelques cas de survivance de parcellaires médiévaux sont parfois discernables, comme par exemple à Criel-sur-Mer ou à Belleville-sur-Mer (Seine-Maritime).

    Le tracé d'un ancien château fort, tel que celui d'Eaucourt (Somme), ou les vestiges d'un château encore en élévation à Picquigny (Somme), s'inscrivent bien dans le paysage actuel. Curieusement cependant, bien des vestiges arasés médiévaux restent énigmatiques.

     

                SOURCES : http://www.archeologie-aerienne.culture.gouv.fr/fr/

     

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  • Le Moyen Âge et la génèse du monde rural

     

    Le Moyen Âge

     

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    Cottenchy (Somme). Lillebonne (Seine-Maritime).
    Cottenchy (Somme). La photo révèle, à côté d'une grosse ferme isolée de la campagne picarde actuelle, une villa gallo-romaine. Lillebonne (Seine-Maritime). Théâtre gallo-romain : le seul monument subsitant de la ville de Juliobona.
    Quierzy (Aisne). Abbaye abandonnée d'Arrouaise
    Parmi les grands palais du haut Moyen Âge, seul est discernable l'emplacement de celui de Quierzy (Aisne). Il fut épisodiquement une résidence royale entre 686 et 892. Abbaye arasée d'Arrouaise, près du Transloy (Pas-de-Calais).
    Vestiges médiévaux arasés énigmatiques à Flesselles (Somme). Fressenneville (Somme).
    Enigmatiques vestiges médiévaux arasés à Flesselles (Somme). L'éclairage frisant souligne une levée de terre circulaire autour de la motte castrale. Fressenneville (Somme).
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    Les thermes de la ville
    gallo-romaine de Vieil-Evreux
    (Eure) ont été réutilisés après les destructions du dernier quart du IIIe siècle.
     
     À Vendeuil-Caply (Oise),
    c'est le théâtre qui a été
    transformé en forteresse.
     
     
     
     Au moment des invasions,
    la ville de Bavay (Nord)
    se resserre à l'intérieur de
    son colossal forum
     
    Le Moyen Âge et la génèse du monde rural
     
    Les villes et agglomérations
     
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    Les thermes de la ville gallo-romaine de Vieil-Evreux (Seine-Maritime)

    À Vendeuil-Caply (Oise), c'est le théâtre qui a été transformé en forteresse.

    Au moment des invasions, la ville de Bavay (Nord) se resserre à l'intérieur de son colossal forum.
    Les destructions de la fin du IIIe siècle ont beaucoup affecté le nord de la France. Certaines villes ont du mal à renaître de leurs ruines et ne survivent que sur des surfaces réduites. Dans le cas d'Amiens, où les recherches ont été bien menées, l'amphithéâtre a été transformé en forteresse sur laquelle s'appuient les remparts.

    À Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), comme à Senlis (Oise), le tracé des remparts est discernable d'avion, mais la plupart du temps, seules les fouilles le révèle avec précision. Exceptionnellement, de grands monuments apparaissent encore et sont souvent mis en valeur, comme les arènes de Senlis, le théâtre de Lillebonne (Seine-Maritime), ou encore le petit castrum de Noyon (Oise). Généralement, la ville moderne cache les structures antiques et celles du Haut Moyen Âge.
    La ville de Thérouanne (Pas-de-Calais) est une exception car elle a été entièrement rasée et démantelée par Charles Quint.

    Des palais et des abbayes
    De même, les toutes premières abbayes célèbres, comme Corbie ou Saint-Riquier, ou des grands palais mérovingiens ou carolingiens sont tous dissimulés par les agglomérations ou des édifices actuels.

    Si certains palais du Haut Moyen Âge, comme Athies et Le Mesge, ne sont pas visibles d'avion, parce que cachés par des villages, cela incite à penser que, même s'il n'y a pas de pérennité de l'habitat lui-même, il existe une pérennité de la grande propriété foncière.

     

      

    SOURCES : super blog - http://www.archeologie-aerienne.culture.gouv.fr/fr/

      

     

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    Sanctuaire antique sous le hameau disparu de Saint-Agnan à Grivesnes (Somme).
     
     
     
    De même, aux abords du village
    de La Houssoye (Somme), on distingue une grande villa.
     
     Une butte de moulin a été
    édifiée au cours des temps
    modernes sur l'emplacement
    de l'habitation principale
    d'une villa gallo-romaine.
    Beauquesne (Somme).
     
    Le Moyen Âge et la génèse du monde rural
     
    Vers un nouveau paysage rural
     
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    A côté du village de Grivesnes (Somme) se trouve un sanctuaire antique.

    De même, aux abords du village de La Houssoye (Somme).

    Beauquesne (Somme).
    Il est souvent difficile de parler de la permanence de l'habitat en raison de la fragilité des vestiges, rencontrés dans les couches archéologiques proches de la surface des labours. Toutefois, dans certains cas, les fouilles récentes de villas gallo-romaines prouvent que des constructions se sont à nouveau élevées sur le même site, en reprenant, dans les grandes lignes, les fondations antérieures.

      

      

      

      

    On peut penser que de nouveaux villages se sont formés le long des voies romaines que ces Lètes étaient chargés de défendre, ainsi qu'à proximité d'établissements en ruines. Toutefois, bien des villas ont été, apparemment, plus ou moins abandonnées. Ces vastes ruines qui perdurent ont attiré, même très longtemps après, des " squatters ", voire des chercheurs de trésors, et surtout des récupérateurs de matériaux.

      

    La forte déflation démographique a probablement entraîné l'abandon de certains grands établissements et le regroupement de la population sur d'autres, au cours du IVe siècle et peut-être des siècles suivants.

    Ainsi, à proximité de certains villages actuels, on décèle des sanctuaires antiques ou des villas. Il est probable que ce soient les ruines romaines et leurs matériaux qui aient attiré les paysans, même après un long abandon du site. Les images aériennes montrent que, sous les villages et hameaux abandonnés au cours des guerres des XVIe et XVIIe siècles, on observe toujours des substructions antiques, sans que l'on puisse dire quand cette mutation s'est opérée. Cela incite à penser qu'il doit en être de même sous les agglomérations qui subsistent de nos jours.

     

      

    SOURCES : SUPERBE BLOG : http://www.archeologie-aerienne.culture.gouv.fr/fr/

      

      

     

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    Villa "suburbaine" de Vieux-la-Romaine

     

    A quinze kilomètres au sud de Caen était autrefois la capitale des Viducasses.

      

    Très prospère, cette ville de l’Empire romain fut ensuite détrônée par Bayeux et c’est ainsi qu’elle périclita. Si les fouilles archéologiques ont commencé sous Louis XIV, elles y sont toujours d’actualité.

      

      ((/ Public / archéologie / vieux_mini.jpg | fouilles archéologiques à Vieux (Calvados, France) | C | fouilles archéologiques à Vieux (Calvados, France), Jan 2011))

    Aujourd’hui, on peut ainsi voir la maison au Grand Péristyle, une demeure restaurée qui possède un décor exceptionnel, un jardin à l’antique et un musée qui renferme de nombreux objets des habitants de Vieux et qui, grâce à des reconstitutions et mises en scène, témoigne bien de la vie des gallo-romains. Non loin de là, les archéologues ont reconnu les vestiges d’un acqueduc, d’un théâtre de 80 mètres de diamètre, de thermes publics et d’une basilique tandis que les fouilles en cours visent à dégager le forum et divers édifices publics.

      

     

      Fichier:Vieux la Romaine Villa hypocauste.jpg

     

    Hypocauste de la villa

      

    Créée au Ier siècle après J.-C., Aregenua est la capitale des Viducasses, un des peuples de la Gaule lyonnaise. La cité apparaît comme une ville-étape sur la carte de Peutinger. Son âge d’or se situe aux IIe et IIIe siècles. On sait grâce à une inscription (marbre de Thorigny) que la cité avait un statut privilégié du point de vue fiscal et que ses magistrats étaient de droit citoyens romains.

     

    Dés en ivoire

    Très touchée par les premières invasions barbares à la fin du IIIe siècle, Aregenua ne s’entoure pas pour autant d’une enceinte. Au temps de la christianisation, elle ne devient pas siège d’évêché à la différence de la plupart des autres cités de la future Normandie. Autant de signes ou de causes qui annoncent un déclin de la capitale des Viducasses. Aregenua n’est toutefois pas abandonnée au Bas-Empire : les archéologues ont constaté de nouvelles constructions de maisons, des restaurations et ont retrouvé des pièces de monnaie et des produits artisanaux, indices du maintien d’un commerce à longue distance. Cependant, il est clair que la ville d’Augustodurum (Bayeux), défendue par un castrum, prend le pas sur Aregenua.

     

      

      

    Au Haut Moyen Âge, les habitants s’installent un peu plus au nord (hameau Saint-Martin) et utilisent les ruines gallo-romaines comme carrière pour construire leurs habitations (exemple : maison des Gaudines). Aregenua n’est plus qu’un simple vicus. C’est la seule capitale de cité de Normandie, avec Lillebonne, qui ne soit pas devenue une ville au Moyen Âge.

      

      

    Les fouilles archéologiques ont permis d’esquisser une image d’Aregenua d’autant plus facilement qu’aucune ville moderne n’a recouvert les vestiges gallo-romains. Ce type de condition est assez exceptionnel pour une ancienne capitale de cité (cas de Jublains aussi). La première découverte, le marbre de Thorigny, remonte à 1580. Les premières fouilles ont commencé sur le site en 1697, 45 ans avant celles de Pompéi.

    Fichier:Voie Romaine Chemin Haussé.jpg

      

      Le Chemin Haussé

    Aregenua se trouve à un carrefour de voies antiques: le « Chemin Haussé », identifiée à l'une des voies figurant sur la table de Peutinger reliait Bretteville-l'Orgueilleuse à Jort[1]. Cet itinéraire fut utilisé durant tout le Moyen Âge d'où l'appellation de « Chemin du Duc Guillaume » sur certains cadastres [2]. Les axes de communication filaient vers le Cotentin, vers les pays de la Loire, vers Lisieux et vers Rouen. Certaines de ses voies formaient le cardo et le decumanus de la cité. Ils n’étaient toutefois pas aussi droits qu’on se l’imagine habituellement.

      

      

      

    Les archéologues ont reconnu plusieurs constructions monumentales :

    • un aqueduc
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    • un théâtre romain, d’une taille moyenne (80 mètres de diamètre environ), transformé apparemment en amphithéâtre au IIe siècle
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    • des thermes romains publics. On connaît ses deux fondateurs, deux notables de la ville : Solemninus et son fils Titus Sennius Sollemnis
    • un sanctuaire dans lequel fut retrouvé un autel à Vénus et à Mars. Ce temple est sous l’actuelle église Notre-Dame. C’est un cas assez rare de continuité entre un lieu de culte païen et un lieu de culte chrétien.
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    • une domus exceptionnelle par son décor. Appelée « maison au grand péristyle », elle fut fouillée en 1988-1991 par P. Vipard. Son plan qui s’étend sur 1250-1500m² s’organise autour d’une cour centrale ornée d’un bassin (impluvium) et entourée d’un péristyle. Un hypocauste assurait le chauffage de plusieurs pièces.
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    • La salle d’apparat, la cour et le jardin étaient décorés (fresque d’Achille et Téthys, sculptures bacchiques, colonnes ciselées de motifs végétaux, piliers ornés de bas-reliefs, mosaïques ...). La domus conserve aussi une partie de son dallage d’origine en calcaire. C’est une demeure typiquement méditerranéenne qui prouve l’assimilation de l’architecture romaine par les Gaulois du Nord.
    • une basilique civile et un bâtiment abritant la curie, actuellement en cours de fouille

      

      

    Un quartier artisanal a été repéré au sud-ouest : un atelier de bronzier et des fours de verriers ont été dégagés.

    Un musée installé sur le site montre les découvertes tandis que la maison au grand péristyle (plus exactement ses vestiges restaurés) est librement accessible.

      

      

      

    À partir de plans dressés par la société des antiquaires de Normandie, de récentes prospections aérienne et géophysique ont permis de confirmer, au lieudit « le champ des crêtes », la présence du forum de la ville et de différents édifices publics, thermes, mais aussi curie et probablement basilique civile. Une nouvelle campagne de fouilles a débuté en 2007, qui devrait se poursuivre dans les années à venir pour dégager ces édifices publics encore mal connus pour la cité d'Aregenua.

      

    Fichier:Vieux la Romaine Villa1.jpg

      

      

    L'ensemble des vestiges archéologiques retrouvés dans le Bas de Vieux sont inscrits à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques (ISMH, 27/06/1988). Les ruines du théâtre gallo-romain quant à eux bénéficient de deux types de protection : les vestiges contenus au lieu-dit du Jardin Poulain sont classés (CLMH, 21/04/1980), alors que ceux retrouvés au lieu-dit de l'école sont seulement inscrits (ISMH, 06/02/1980).

     

     

      

      

    SOURCES : http://fr.wikipedia.org/wiki/Vieux-la-Romaine

      

      

     

     

     

     

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    Fouillée dès le règne de Louis XIV, la Normandie s’affirme pionnière dans l’aventure archéologique en France. Après plus de trois cents ans de recherches et de prospection, l’archéologie régionale peut aujourd’hui se féliciter d’avoir beaucoup apporté à la connaissance des sociétés anciennes et de leurs lieux de vie. Laurent Ridel nous explique les méthodes et les résultats de cette discipline scientifique qui s’intéresse aussi bien aux pierres taillées laissées par les hommes préhistoriques qu’aux objets abandonnés par les soldats du Débarquement le 6 juin 1944.

      

     

    Une archéologue au travail

    Une archéologue au travail (Dalbera sur Flickr - Creative Commons)


    - La Normandie pourrait être la première région française à connaître des fouilles archéologiques. A quand remontent-elles ?

    - Les thermes gallo-romains de Valognes aurait été le premier lieu fouillé en Normandie, si ce n’est en France. C’était en 1675. Dix ans plus tard, l’abbé Cocherel procéda à la première fouille de sauvetage, une sépulture néolithique à Houlbec-Cocherel. Pour vous donner un ordre d’ancienneté, le célèbre site de Pompéi ne sera fouillé qu’à partir de 1748.

      

    - Qu’appelez-vous une fouille de sauvetage ?
    - C’est une fouille rendue urgente par un aménagement qui provoquera la destruction du site archéologique. Aujourd’hui, la plupart des fouilles sont en fait des fouilles de sauvetage (appelées aussi fouilles préventives). La construction d’un parking souterrain, d’une autoroute ou l’aménagement d’une zone d’activités révèlent généralement un ou plusieurs sites archéologiques. Il faut les fouiller rapidement avant d’abandonner le lieu aux aménageurs. Depuis 2001, la loi rend obligatoire les fouilles préventives avant tout aménagement du territoire. L’INRAP (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives) assure la plupart de ces fouilles.

    - Je suppose que depuis les premières fouilles du XVIIe siècle, les méthodes ont beaucoup évolué…
    - En un mot, l’archéologie s’est professionnalisée. Elle est devenue une activité scientifique à part entière. Dans les premiers siècles, la fouille était grossière. On déblayait jusqu’à retrouver les murs, et on récupérait les objets les plus intéressants dans la terre (pièces de monnaie, bijoux, vases, statues…). Aujourd’hui l’archéologue enlève la terre couche par couche et note les anomalies du terrain (des traces de trous de poteau par exemple) et l’endroit précis où les objets sont extraits.

    Il réalise de nombreux relevés du terrain et dessine les murs dégagés, pierre par pierre. Sur certains sites, on va même jusqu’à recueillir les graines par tamisage de la terre pour deviner ce que les hommes cultivaient. Il arrive aussi qu’on capture les pollens de l’époque pour connaître la flore environnante. L’objectif est de recueillir le maximum de renseignements. Cette méticulosité est d’autant plus importante qu’à force de creuser, l’archéologue fait disparaître ce qu’il vient de mettre au jour. Autrement dit, l’archéologue, ne cessant de détruire son objet d’étude, doit impérativement prendre note de tout ce qu’il a trouvé.

    - Autre évolution, depuis quelques dizaines d’années, quelques programmes de recherches s’étendent sur des centaines d’hectares. Dès 1977, Claude Lorren a fouillé Saint-Martin de Trainecourt dans la banlieue caennaise ; plus récemment, Cyril Marcigny et Bruno Aubry ont dirigé les fouilles du Long-Buisson dans la banlieue d’Évreux et Guy San Juan s’est concentré sur le plateau de Thaon au nord-ouest de Caen. Quelle est l’intérêt de fouiller ou de prospecter sur de si grandes aires ?
    - Le principal objectif de ces grandes fouilles n’est pas de reconstituer l’histoire d’un site mais celle d’un terroir. Limiter spatialement sa fouille à une villa, une nécropole, un village ne permet pas de comprendre comment le site s’insérait dans son environnement et quelles relations entretenait-il avec cet environnement. Un site n’est jamais isolé ; autour, s’étend un système parcellaire, se déploie un réseau de chemins et se rencontrent d’autres sites. Du coup, on sait aujourd’hui bien mieux à quoi ressembler un coin de campagne à l’époque gauloise ou carolingienne.

     

    Le site archéologique de Vieux-la-Romaine

    Le site archéologique de Vieux-la-Romaine. L’archéologue Pascal Vipard et son équipe ont fouillé une belle demeure romaine. Aujourd’hui, le public peut visiter le lieu qui a été mis en valeur et en partie reconstitué.

      

    - Les sépultures sont en particulier des mines d’informations qui renseignent bien au-delà des rites funéraires. Que découvrent les archéologues ?
    - Les sépultures livrent en effet beaucoup d’informations. Du moins surtout si elles datent de périodes pendant lesquelles l’homme enterrait ses morts « habillés », c’est-à-dire avec vêtements et objets. Ce fut par exemple le cas à l’âge du Fer ou à l’époque mérovingienne. Parfois, il ne reste rien des os mais subsistent les éléments accompagnant le défunt. A Éterville, à Ifs, à Agneaux, à Frénouville, à Moult, on a retrouvé des éléments de parures (des colliers, des fibules, des bracelets, des plaques-boucles…). On dégage aussi de ces tombes des objets du quotidien, principalement des récipients en céramique.

    - Certains squelettes du Néolithique portaient des traces d’interventions chirurgicales…

    - Vous faites sûrement référence aux fouilles du Val-de-Reuil et de Mauny. Au lieu-dit les Varennes, au Val-de-Reuil, l’équipe de Guy Verron a trouvé un radius qui avait été réduit de quelques centimètres suite à une opération. À Mauny, des individus portaient des traces de trépanations et vu la cicatrisation de la perforation, on peut garantir qu’ils ont survécu à ces interventions.

    - La Normandie n’a pas sa Lucy, l’acidité du sol normand ayant détruit les plus anciens squelettes. Pourtant nous savons que la Normandie était parcourue par les premiers hommes il y a plus de 250 000 ans. Quels sont les indices laissés par les premiers « Normands » ?

    Au premier chef, les silex taillés. L’outil emblématique des hommes du Paléolithique était le biface, une pierre entièrement remodelée en forme d’amande, par percussion. On en retrouve un peu partout en Normandie. Dans le nord du Cotentin, qui a bénéficié de prospections archéologiques très poussées, les archéologues sont parvenus à mettre en évidence des traces de foyers entourés de galets. Les premiers « Normands » maîtrisaient en effet le feu.

    - Des fouilles sous-marines ont été conduites au large du département de la Manche. Ça rappelle Alexandrie !
    - Sauf que ce n’était pas pour retrouver une des sept merveilles du monde antique. Les rivages du Cotentin recèlent d’épaves coulées. Par exemple, en 1692, la bataille navale de la Hougue entre Anglo-Néerlandais et Français précipita une dizaine de gros navires au fond de la mer. Une partie des bateaux fut retrouvée il y a une vingtaine d’années près des berges de l’île de Tatihou. Tout bois resté dans l’eau se conservant plusieurs siècles, des archéologues-plongeurs ont pu analyser les coques et ainsi mieux comprendre les techniques de construction navale à l’époque de Louis XIV.

    - Donc cette fouille prouve que l’archéologie peut s’intéresser à des périodes assez récentes comme le XVIIe siècle. Y-a-t-il une date d’ancienneté minimale pour justifier une investigation archéologique ?
    - A vrai dire, non. S’il est vrai que les investigations archéologiques concernent généralement des sites antérieurs au Moyen Âge, les archéologues s’intéressent aussi aux périodes très proches. En Normandie, par exemple, des recherches sont menées sur les vestiges de la Seconde Guerre Mondiale comme le Mur de l’Atlantique ou les objets laissés sur les plages du Débarquement.

    - Mais que peut-on apprendre de plus ? Je comprends bien que pour les périodes très anciennes (préhistoire, protohistoire), l’archéologie constitue une source essentielle d’informations à défaut d’écrits mais pour l’époque moderne, les historiens disposent tout de même d’archives en abondance…
    - Les sources écrites ne peuvent pas éclairer tout le passé. Par exemple, elles sont largement insuffisantes pour raconter la vie quotidienne. Elles sont aussi insuffisantes dans l’étude des installations industrielles ou artisanales car même si les textes nous permettent de connaître l’existence voire la localisation d’un site industriel, on ne sait généralement rien sur son fonctionnement. C’est tout l’intérêt des fouilles menées sur l’ancienne mine de charbon du Molay-Littry ou le moulin à fer du Glinet près de Forges-les-Eaux. De même, les programmes de recherches archéologiques sur l’histoire du paysage se justifient pour toutes les périodes, récentes ou anciennes, car là encore, les archives sont peu loquaces.

    - Quelle image de la ville gallo-romaine offrent les archéologues ?
    - En Normandie, les villes gallo-romaines n’avaient rien à envier aux villes de Provence ou du Languedoc. Elles avaient leur centre monumental bâti autour d’un forum. Les archéologues ont reconnu notamment des thermes et des amphithéâtres. On peut toujours voir les vestiges de l’amphithéâtre de Lillebonne, l’un des plus grands de Gaule. Son diamètre atteignait tout de même 148 m. Les fouilles récentes se sont plutôt concentrées autour de ce cœur monumental, dans les quartiers où se concentraient la population et les activités artisanales. A la sortie de la ville, s’étendait le monde des morts, les nécropoles. Les Romains avaient pour principe de ne jamais mêler l’espace des morts avec celui des vivants.

    Le château de Caen

    Le château de Caen. Ce site archéologique majeur a été fouillé par Michel de Boüard, grand nom de l’archéologie normande.

    - L’archéologie normande serait à l’origine de l’archéologie médiévale moderne…
    - Oui, plus exactement, l’archéologie médiévale a connu une nouvelle impulsion en Normandie après-guerre. Le mérite revient principalement à un homme, Michel de Boüard, professeur d’histoire de la Normandie à l’université de Caen. Fondateur du Centre de Recherches en Archéologie Médiévale (CRAM), il a enseigné à plusieurs étudiants devenus aujourd’hui de grands archéologues de l’époque médiévale telle Joëlle Burnouf. A la même époque, dans les années 1960 et 1970, l’université de Caen accueillait aussi un historien de qualité en la personne de Lucien Musset. Tous deux ont initié un dialogue fructueux entre archéologie et histoire et ont beaucoup apporté à la connaissance du Moyen Âge. Par son prestigieux passé médiéval, la Normandie était de plus un terreau favorable à ces recherches.

    - Quels sont les principaux sites archéologiques normands ?
    - Le récent livre de Vincent Carpentier, d’Emmanuel Guesquière et Cyril Marcigny sur l’archéologie en Normandie révèlent la richesse des sites normands. Parmi ceux qu’ils proposent, j’en retiendrai deux ou trois mais c’est tout à fait subjectif. J’ai déjà évoqué celui de Saint-Martin de Trainecourt près de Caen. Il a indéniablement éclairé la genèse de nos villages. Près d’Évreux, les fouilles du Long Buisson ont permis de suivre l’évolution d’un terroir de la Protohistoire au Moyen Âge. Vieux-la-Romaine est un autre site important car il se situe sur l’ancienne ville romaine d’Aregenua. Or, il est rare de pouvoir fouiller sur une grande échelle une ville romaine car elles sont en général recouvertes par nos villes modernes. Ce n’est pas le cas à Vieux-la-Romaine.

    - Pouvez-vous nous parler de découvertes exceptionnelles qui ont eu lieu dans la région récemment ?

    - En 2007, une découverte a intrigué la communauté archéologique à Évreux. Les fouilles de la nécropole du Clos-aux-Ducs ont révélé des tombes remplies d’ossements humains mêlés à ceux de chevaux. Elles datent du IIe ou IIIe siècle après J.-C. Cette association hommes-animaux dans la mort est inédite en France. Récemment également, les archéologues ont retrouvé à Aubevoye sur un site du Néolithique ancien (4800-4700 ans avant notre ère) un curieux vase en forme de taureau. Il était presque complet. Le vase était donc monté sur pattes. La partie ventrue de l’animal recueillait les liquides qu’on introduisait par une ouverture en arrière de la tête. Le corps était décoré par des incisions ou des impressions de peigne. Par sa forme et son ancienneté, cette pièce mériterait d’être montrée dans un musée.

    - Le grand public pense que l’archéologie se limite à la fouille. Or, parfois les archéologues abandonnent leur pelle ou leur truelle pour d’autres activités. Certains dessinent et analysent les façades en élévation pour déterminer les phases de construction d’un édifice. C’est l’archéologie du bâti. D’autres pratiquent l’archéologie expérimentale. En quoi consiste-elle ?

    - Dans le cadre de l’archéologie expérimentale, les archéologues essaient de reproduire les gestes et les techniques d’autrefois. Certains expérimentent la taille du silex et de l’os, imitant les hommes préhistoriques. En Normandie, il y a aussi des archéologues spécialisés dans la production de métaux. L’objectif est de produire un bloc de fer à partir de minerai comme le faisaient les Gallo-Romains ou les hommes du Moyen Âge. La FATRA réalise régulièrement des démonstrations d’archéologie expérimentale à destination du grand public.

    Démonstration d’archéologie expérimentale

    Démonstration d’archéologie expérimentale. Lors des Journées Romaines au Vieil-Évreux en juillet 2007, des archéologues se sont essayés à la métallurgie. Après fonte du minerai dans un four en terre, ils sont parvenus à produire une loupe de fer conséquente.


    - Que deviennent les sites fouillés ?

    - Les sites archéologiques ont trois destinations différentes : premièrement, ils sont tout simplement remblayés afin que l’endroit retrouve son aspect d’origine. Deuxièmement, ils disparaissent pour laisser placer à l’aménagement prévu : une autoroute, un parc d’activités, un immeuble… C’est la destination habituelle des fouilles de sauvetage. Enfin, dernier cas, le site est mis en valeur afin d’être ouvert au public. Vieux-la-Romaine ou le Vieil-Évreux accueillent par exemple un musée archéologique à l’emplacement des fouilles. Parfois, on assiste à une transformation intermédiaire entre les deux dernières destinations : l’aménagement conserve une partie du site archéologique. Dans la médiathèque de Lisieux, le visiteur peut ainsi observer une partie de la voie romaine qui a été mis à jour lors des fouilles préalables à la construction du bâtiment.

    A lire

    Vincent Carpentier, Emmanuel Guesquière et Cyril Marcigny, L’archéologie en Normandie, Rennes, éd. Ouest-France-Inrap, 2007

      

    SOURCES :  lien http://www.histoire-normandie.fr/larcheologie-en-normandie

      

     

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  • A Tourville-la-Rivière, près de Rouen, des archéologues ont mis au jour un étonnant site néanderlien. Les nombreux squelettes d’animaux retrouvés à proximité d’une aire de débitage du silex laissent penser que les hommes de Néandertal utilisaient l’endroit pour s’approvisionner à moindre effort.

      

    A l’occasion de l’ouverture d’une carrière sur la commune de Tourville-la-Rivière, les archéologues de l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives) ont pu fouiller une zone qui depuis les années 1960 leur avait déjà souri. La richesse du secteur s’est confirmé puisque sous un à deux mètres d’alluvions, ils ont mis au jour un site remontant à 200 000 ans, autrement dit au temps de l’homme de Néandertal ou des pré-Néandertaliens.

    A cette époque, située à la fin d’une époque interglaciaire, le climat était tempéré et la Seine léchait le site. La fouille a mis en évidence deux zones intéressantes : d’une part un ensemble de squelettes d’animaux, témoignant de la richesse de la faune contemporaine (une panthère, un lion, un loup, quelques herbivores comme l’auroch, le cheval, le cerf, des petits mammifères, des oiseaux…). D’autres part, s’étalait non loin une aire de débitage. Environ 500 silex couvraient densément le sol. La proximité entre les deux parties du site suggère une relation. Le responsable de fouille, Jean-Philippe Chaivre, imagine que les squelettes constituaient des cadavres que le fleuve avait abandonné jusque là. Intéressé par ce cadeau de la nature, les hommes de Néandertal ont établi sur la rive une halte pendant laquelle il fabriquait les outils nécessaire au dépouillement des carcasses. Ils n’en tiraient probablement pas de viande (d’autres prédateurs s’en étaient sûrement chargés avant eux) mais récupéraient ce qui restait, à savoir les os, les peaux et les tendons. Aucune habitation, aucun squelette d’hominidé n’ont été découverts.

    Le 18 septembre 2010, au terme de quatre mois de fouilles, les archéologues ont rendu le site aux pelleteuses afin que s’achève le creusement de la carrière pour le compte de la société CBN.

      

    SOURCES : lien.

    Histoire de la Normandie

     http://www.histoire-normandie.fr/une-decouverte-archeologique-prehistorique

      

      

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