• Les chevaliers Teutoniques par GUERRIER-DRAGON 

     

    Pour apprécier cette vidéo, il suffit de cliquer sur le logo central

    de RADIONOMY

    pour supprimer le fond musical du blog

     

     

     

    15 juillet 1410. A Grunwald, au nord de la Pologne, les troupes de l’ordre de Notre Dame de Marie affrontent les armées du roi de Pologne et du prince de Lituanie. Cette bataille sanglante restera gravée dans la mémoire populaire des Allemands comme la Bataille de Tannenberg. Elle sonne le glas de l’un des ordres de chevalerie les plus puissants de ce Moyen-âge finissant : celui des Chevaliers Teutoniques.



    Fondé en Terre sainte, à Saint-Jean-d'Acre, dans le tumulte des Croisades, et reconnu comme ordre hospitalier en 1191 par le pape Clément III, il a pour racine l'hôpital Sainte-Marie-des-Teutoniques à Jérusalem, fondé en 1128 par des pèlerins germaniques pour soigner leurs compatriotes. À l’origine simple communauté religieuse charitable venant en aide aux pèlerins chrétiens malades auprès de cet hôpital, l’ordre Teutonique est réorganisé en ordre militaire vers 1192 et obtient la reconnaissance officielle du pape Innocent III en 1198. Il est composé pour l’essentiel de chevaliers allemands ou teutons.

     

      

      

      

    Qui étaient ces moines-soldats, soumis aux mêmes règles que les autres ordres religieux mais totalement indépendants de Rome et du pape et n’obéissant qu’à un grand-maître élu à vie ?

      

    Quelle influence ont-ils exercé durant le Moyen-âge ?

    Obéissaient-ils à des motivations purement religieuses ou ont-ils servi des ambitions moins avouables ?

    Depuis la création de l’Ordre jusqu’à sa fin, dans la violence et le sang, ce documentaire revient sur l’histoire tumultueuse des Chevaliers Teutoniques.

     



    . Fondation de l’Ordre

    L’Ordre des Chevaliers teutoniques s’enracine dans l’histoire des croisades. L’appel des papes à reconquérir les lieux saints aux mains des musulmans est entendu par les chevaliers de toute l’Europe, qui voient dans cette entreprise un moyen de trouver la rédemption et de gagner ainsi leur place au Paradis. Avec les croisades, une nouvelle chevalerie est apparue, puissante et organisée, qui s’est dotée de tout un réseau de forteresses en Terre Sainte, à l’image du Krak des Chevaliers, sur les contreforts du Jabal Ansariya, dans l’ouest de la Syrie.

     



    Autrefois à la solde d’un seigneur, ces combattants se sont faits moines, faisant vœu de pauvreté et d’obéissance. Il existe alors deux ordres de chevalerie : celui des Hospitaliers et celui des Templiers. Ceux-ci vont jouer un rôle déterminant dans l’histoire des croisades, participant à toutes les grandes batailles qui marqueront la conquête puis la défense de la Terre Sainte. Mais en 1187 les croisés sont dans une position difficile ; l’unification des armées musulmanes derrière Saladin a permis à celui-ci, chef de guerre émérite, de repousser les chrétiens. Après la bataille de Hattin, le 4 juillet 1187, ce dernier remporte une victoire écrasante sur les croisés, s’ouvrant les portes de la Palestine et prenant Jérusalem dans la foulée.


    Tandis que le pape Grégoire VIII lance un appel à une troisième croisade pour reconquérir les territoires perdus, quelques rescapés chrétiens, autour du baron Guy de Lusignan, tentent de faire le siège de Saint Jean d’Acre, port stratégique permettant de faire la liaison avec l’Europe. Mais la situation des croisés n’est pas bonne ; les hommes souffrent de famine et de maladie, ils sont affaiblis et démoralisés. A l’époque il n’existe aucun service médical au sein des armées ; le soin des blessés et des malades était confié à des hospices privés créés par des chrétiens par souci du salut de leur âme. Parmi ces chrétiens présents lors du siège de Saint Jean d’Acre, on trouve des commerçants de Brême et de Lübeck, en Allemagne, qui utilisent les voiles de leurs bateaux pour organiser un hospice de fortune devant les murs de la ville assiégée. C’est à partir de cette fraternité de langue allemande que va naître l’Ordre des Chevaliers Teutoniques.

     



    Ce nouvel ordre reçoit bientôt le soutien financier du duc Frédéric de Souabe, troisième fils de l’empereur Frédéric Barberousse, ce qui lui permet de tisser des liens très forts avec l’empire romain germanique. Après la prise d’Acre en 1191, grâce au débarquement des troupes de Philippe Auguste et de Richard Cœur de Lion, l'hôpital Sainte-Marie-des-Teutoniques s’installe à l’intérieur de la cité. Dans les années qui suivent, son importance et sa renommée ne cessent de grandir ; la confrérie se transforme alors en un ordre de chevalerie qui devient responsable d’une partie de la ville.

    En 1198 son premier grand maître est élu ; il s’agit d’Heinrich Von Walpot, originaire de Mayence. Sa première tâche va consister à faire reconnaître l’Ordre Teutonique par le pape, Innocent III. Ce dernier approuve sans difficulté la création de ce nouvel ordre qui accroit un peu plus la puissance de l’Église en Terre Sainte. Celui-ci s’apparente aux Templier pour ce qui est de la discipline militaire et du respect de la règle monastique, tout en conservant son activité de soins aux malades héritée des Hospitaliers. L’uniforme des chevaliers Teutoniques est floqué de la Crux Ordis Teutonicorum, une croix noire sur fond blanc qui symbolise de la victoire du Christ sur les puissances des ténèbres et la mort.

    . Expansion

    L’expansion de l’Ordre des Chevaliers Teutoniques va véritablement commencer en 1209, sous l’égide du quatrième grand-maître, Hermannn Von Salza. Simple chevalier, ce dernier s’est hissé au sommet de l’Ordre grâce à ses talents de diplomate et de politicien. Il noue d’excellentes relations avec les deux grands pouvoirs de l’époque : celui du pape et celui de l’empereur Frédéric II, pourtant antagonistes. Von Salza va devenir leur intermédiaire obligé.

     



    Le siège de l’Ordre se trouve alors à Saint Jean d’Acre.

      

    Les Teutoniques doivent composer avec les Templiers et les Hospitaliers, car s’ils sont alliés devant les infidèles, ils sont rivaux devant Rome et les princes chrétiens. A ce jeu du pouvoir, Von Salza s’avère rapidement le plus habile. En 1229, Jérusalem tombe sans combattre aux mains des croisés, menés par l’empereur Frédéric II, à l’issue d’une négociation avec les autorités de la ville. Soutenu par les Chevaliers Teutoniques, celui-ci se fait alors couronner roi de Jérusalem, plaçant ainsi l’Ordre aux premières loges du pouvoir. Jérusalemn est de nouveau chrétienne, mais aux mains d’un empereur excommunié avec lequel la papauté va être forcée de composée. Fort de ses bonnes relations avec les deux parties, Von Salza décide alors de faire de l’ancien hôpital de Jérusalem le berceau des Teutoniques, suscitant la colère des Hospitaliers, historiquement attachés à ce lieu.

    Toutefois l’empereur Frédéric II quitte rapidement Jérusalem, laissant la ville en proie aux querelles intestines. Von Salza comprend qu’il est impératif de mettre son ordre à l’abri des conflits qui s’annoncent ; au prix de ses conseils, il obtient de Frédéric II le domaine de Montfort, un nid d’aigle perché sur les hauteurs de la région, au sud de Saint Jean d’Acre. Ce château devient le quartier général de l’Ordre Teutonique, qui va alors s’attacher à consolider son influence en Terre Sainte, mais aussi en Europe, en recrutant des centaines de nouveaux membres.

    . Vers un État Teutonique

    En 1291, la chute de Saint Jean d’Acre, qui marque la fin des croisades, oblige l’Ordre à quitter la Terre Sainte un siècle après y avoir été fondé. Ses activités se décalent alors progressivement vers l’Europe. Aux environs de 1250, les historiens estiment qu’il existait près de 1500 frères-chevaliers, dont seulement 400 résidaient encore en Terre Sainte, tandis que le reste était disséminé le long des rivages de la Mer Baltique et dans le reste de l’Europe, où les Teutoniques avaient considérablement étendu leurs possessions.

    En cette fin de XIIIe siècle, l’Europe connait une période plutôt prospère. L’élan religieux impulsé par les croisades a lancé les premières cathédrales à l’assaut du ciel, et les villes rivalisent pour construire des édifices de plus en pus imposants, de plus en plus hauts. Ayant délaissé la Terre Sainte, les ordres de chevalerie sont désormais considérés comme les protecteurs des frontières de l’Europe ; on attend d’eux qu’ils protègent les frontières de la chrétienté, menacées à l’est par les tribus nomades venues d’Asie, et au sud par l’avancée musulmane. C’est dans cette atmosphère qu’Hermann Von Saltza a l’idée de fonder un véritable État religieux qui serait régi par les Chevaliers Teutoniques.

    Sa tactique consista dès lors à apporter son soutien à de petits territoires chrétiens en guerre contre des états voisins païens ; forts de leur puissance militaire, les Teutoniques envahissaient ces territoires et y instauraient leur souveraineté. C’est dans ce contente qu’en 1211, le roi de Hongrie André II fait appel aux Chevaliers Teutoniques pour défendre les frontières de son royaume contre les Coumans, une tribu musulmane d’origine Turque. Les Teutoniques s’acquittent de leur mission avec efficacité, et se voient attribuer des domaines en contrepartie ; bientôt, toute une région de la Hongrie passe sous leur contrôle. Ils ont tôt fait d’établir une série de fortins aux frontières de ce nouveau territoire et fondent la ville de Kronstadt, actuelle Brasov, en Roumanie.

    Leur ambition est alors de bâtir un État monastique indépendant aussi bien de l’église locale que du pouvoir politique. Pour arriver à ses fins, Von Saltza obtient du pape Grégoire IX que ces terres nouvellement acquises passent directement sous la tutelle de Rome. Mais aux yeux du roi de Hongrie, les Teutoniques ont outrepassé leurs prérogatives ; André II sollicite à son tour l’arbitrage du pape et convoque un tribunal ecclésiastique. Celui-ci lui donne entièrement raison, et en 1225 l’Ordre Teutonique est contraint de quitter la terre de Hongrie. Le rêve d’un État monastique s’effondre.

    . Conquêtes

    Mais une nouvelle occasion d’acquérir des territoires se présente bientôt en Pologne. Affaiblie par des divisions intestines, menacée par les tribus Prussiennes à sa frontière Nord, celle-ci fait appel aux Chevaliers Teutoniques. En échange des services de l’Ordre, Hermann Von Saltza reçoit du prince Konrad de Mazovie la terre de Chelmno, au nord-est de la Pologne. Un document ratifié par les deux parties octroie aux Teutoniques le droit de régner en maîtres absolus sur toute la région. Dans la foulée, en 1234, le pape accorde par décret un privilège à l’Ordre ; ce document, appelé « Bulle d'or de Rimini », stipule que l'Ordre devient souverain sur l’ensemble des territoires qu'il conquiert. Le rêve d’Hermann Von Saltza est enfin atteint : les Teutoniques règnent désormais sur un État monastique.

    L’Ordre va mettre ce décret à profit pour se lancer dans une vaste campagne de conquêtes. Il se déploie bientôt sur tout le territoire de la Prusse et poursuit son avancée vers le nord, fusionnant avec un autre ordre de croisés, les Frères de Jésus Christ. La conquête se poursuit alors vers l’est, mais en avril 1242 les chevaliers Teutoniques se heurtent à la puissante armée du prince Russe Alexandre Nevski sur le lac gelé de Peïpous. Ils subissent une cuisante défaite qui met un terme définitif à leurs velléités de conquête à l’est ; dès lors les chevaliers Teutoniques vont concentrer leurs efforts sur les régions situées au nord de la Pologne, qui sous l’impulsion du prince Ladislas Ier, retrouve peu à peu son unité.

    En 1308, celui-ci fait appel aux chevaliers Teutoniques pour repousser les troupes Allemandes du duché de Brandebourg qui ont pris la ville de Dantzig. Une fois leur mission accomplie, les Teutoniques prétextent un différend sur la somme dont devait s’acquitter le prince pour massacrer la garnison Polonaise du château et s’emparer à leur tour de la ville. A partir de cette place forte, ils font alors la conquête de la Poméranie en moins d’une année.

    . État et organisation

    Par cet acte, l’Ordre a démontré sa puissance. Il règne désormais sur une principauté qui regroupe des populations diverses : Allemands, Prussiens, Polonais, et compte aussi bien des chrétiens que des païens. La ville de Malbork (Marienburg), devient la capitale de cet État ; les Teutoniques y font construire un imposant palais fortifié pour abriter le siège de leur pouvoir. Nous sommes alors au XIVe siècle et le rêve d’Hermann Von Saltza, mort en 1239, semble avoir définitivement pris corps. Un grand-maître – le Hochmeister – occupe le sommet de la hiérarchie. Il est élu à vie par un chapitre de 13 électeurs et dirige l’Ordre mais aussi l’État Teutonique par l’intermédiaire d’un Grand Conseil.

    Cette instance comprend 5 grands officiers de l’Ordre. Le grand Commandeur prend toutes les décisions concernant les dépenses ; le grand Maréchal est le responsable des forces armées ; le grand Commissaire celui de l’administration ; le grand Trésorier a la charge des finances, et enfin, le grand Hospitalier veille aux soins des malades dans les hospices et au respect de la Règle.

    Cet État reconnu à l’échelle Européenne gouverne de façon très moderne pour l’époque, impliquant les notables des villes qu’il dirige dans la plupart des grandes décisions afin de les intégrer au mécanisme du pouvoir et s’assurer ainsi leur entière collaboration. Tout le territoire est divisé en Commanderies qui administrent les régions dont elles ont la charge. Les Teutoniques ont également mis au point un système de poste particulièrement efficace qui permet d’assurer la communication entre les différentes commanderies et de transmettre rapidement les ordres émanant du Grand Conseil. Deux jours à peine suffisent ainsi pour communiquer d’un bout à l’autre de l’État. L’Ordre bat sa propre monnaie, qui a cours sur tout son territoire. Un système de taxation sur les transactions permet à l’État Teutonique de disposer de finances saines, tandis qu’à l’ouest la plupart des royaumes s’endettent lourdement.

    L’Ordre développe aussi un commerce florissant. Les villes sous sa domination sont membres de la Ligue Hanséatique, une puissante organisation marchande qui permet à leurs marchands de commercer partout en Europe, des Flandres jusqu’à la Méditerranée. Une bourgeoisie urbaine très prospère se développe bientôt sur tout le territoire tandis que Dantzig devient le plus grand port de la Baltique. C’est l’apogée de l’Ordre Teutonique, qui recrute de nouveaux membres à travers tout le Saint Empire Germanique, uniquement auprès des nobles qui doivent justifier d’au moins quatre générations dans la noblesse.

    Ceux qui veulent s’engager doivent prononcer les vœux monastiques et prêter le serment de combattre les ennemis du christianisme. L’Ordre accueille aussi ceux qui cherchent à faire pénitence pour leurs mauvaises actions ; ils peuvent ainsi combattre au côté des Teutoniques contre les païens du nord, perpétuant la tradition des croisades. Les Chevaliers effectuent en effet de nombreuses incursions en Lituanie, se livrant à des razzias sur les villages en vue de s’emparer de bétail, voire d’êtres humains qu’ils n’hésitaient pas à utiliser pour les travaux forcés, les païens étant considérés comme inférieurs aux chrétiens.

    . Tensions

    En 1386, un événement va cependant bouleverser le rapport de force entre les Chevaliers Teutoniques et leurs voisins. Le grand-duc de Lituanie, Jogaila, se convertit en effet au catholicisme et se fait baptiser sous le nom de Ladislas avant d’épouser la reine Hedwige d'Anjou, souveraine de Pologne. Il est alors couronné roi de Pologne. L'union personnelle de ces deux pays crée un adversaire potentiellement redoutable pour les chevaliers teutoniques, qui sentent que leur pouvoir est en danger.

    En 1409, une rébellion éclate dans une enclave Lituanienne contrôlée par l’Ordre Teutonique. La Lituanie, discrètement aidée par la Pologne, n’hésite pas à soutenir cette révolte pour une terre qu’elle estime sienne. Un nouveau grand-maître, Ulrich Von Jungingen, est alors élu à la tête de l’Ordre. Partisan de la fermeté envers la nouvelle alliance entre la Pologne et la Lituanie, celui-ci n’entend pas céder aux revendications de ces deux nations. Un archevêque Polonais est alors envoyé comme émissaire pour tenter d’apaiser les tensions, mais Von Jungingen reste sourd à son discours. Peu de temps après, il déclare la guerre à la Pologne. Les Chevaliers Teutoniques franchissent la frontière et, utilisant une tactique militaire qui n’est pas sans rappeler la blitzkrieg, s’emparent rapidement de tout le nord du royaume.

    Une intense activité diplomatique débute alors. Les deux camps envoient des émissaires aux quatre coins de l’Europe afin de s’assurer des alliances pour prendre l’avantage dans la bataille qui s’annonce. L’Ordre Teutonique obtient le soutien du roi de Hongrie, qui masse ses troupes le long de la frontière de Pologne. De leur côté, les Polonais et les Lituaniens élaborent un plan secret visant à multiplier les attaques en Prusse afin de dissimuler le véritable objectif de leur campagne : le cœur du pouvoir Teutonique, la forteresse de Malbork (Marienburg). Mais pour cela ils doivent assurer la jonction de leurs armées puis franchir la Vistule. Les Polonais imaginent alors la construction secrète d’un pont mobile qu’ils cacheront dans la forêt et pourront mettre en place au dernier moment. Cet ouvrage de 500 mètres de long capable d’assurer le passage de 20 000 cavaliers sera construit tout au long de l’hiver.

    . Guerre de mouvement

    La guerre éclate en juin 1410. Conformément au plan qui a été élaboré, les troupes Polonaises attaquent la Prusse en divers points. Surpris par ces assauts dont la logique lui échappe, le grand-maître de l’Ordre, Ulrich Von Jungingen, tarde à réagir. Lorsqu’il réalise que le véritable objectif de ses ennemis est Malbork, il est trop tard : les troupes Polonaises et Lituaniennes ont déjà franchi la Vistule grâce au pont mobile et marchent sur la capitale de l’État Teutonique. Von Jungingen décide alors de lancer toutes les troupes dont il dispose, soit un peu plus de 13 000 hommes, dans la bataille.

    Les deux camps se livrent alors une véritable guerre de mouvement faite d’escarmouches à répétions, d’assauts-éclairs, de replis stratégiques. Initialement, l’intention du roi Ladislas II de Pologne était de passer la rivière Drewenz (Drwęca) près de Kauernik, dernier obstacle naturel avant Malbork. Mais les Chevaliers Teutoniques avaient anticipé cette stratégie et considérablement renforcé la garde du seul gué praticable. Renonçant à ce projet, Ladislas II retourne sur ses pas avec toute son armée, et dans une manœuvre éclair, s’empare de la ville de Gilgenburg (Dabrowno) qui ouvre la route de Malbork à travers un passage étroit encadré par deux lacs.

    Pendant la prise de la ville, plusieurs incendies se déclarent. La lueur des feux indique aux Teutoniques la position des armées de Ladislas ; le grand-maître décide alors de se porter à leur rencontre. Dans la nuit du 14 au 15 juillet, il se dirige avec toute son armée en direction de Tannenberg. Vers 8h du matin, les deux armées sont face à face. Les troupes de Ladislas ont pu se reposer toute la nuit, alors que celles de Von Jungingen ont marché toute la nuit. La plus grande bataille qu’ait jamais connu l’Europe chrétienne : 20 000 cavaliers Polonais, 10 000 Lituaniens font face à près de 20 000 Chevaliers Teutoniques.

    La bataille de Tannenberg durera près de 10h et restera longtemps incertaine, chaque camp prenant successivement l’avantage au fil des assauts. Finalement, l’armée Teutonique se retrouve encerclée par les troupes du roi de Pologne ; jouant alors son va-tout, Von Jungingen tente de se forcer un passage à travers les lignes lituaniennes qui se sont refermées sur l’arrière-garde de ses troupes, mais le grand-maître de l’Ordre est tué pendant cette charge. Dès lors, la défaite est inéluctable. Malgré une résistance héroïque, les derniers Chevaliers Teutoniques sont écrasés. En tout, près de 8000 d’entre eux auront perdu la vie au cours de la bataille de Tannenberg, et 14 000 faits prisonniers.

    Pendant que les armées Polonaises et Lituaniennes marchent sur Malbork, la résistance s’y organise en vue du siège. L’un des généraux de l’Ordre, Heinrich Von Plauen, profite du chaos qui règne pour prendre le pouvoir. Ce militaire à poigne va réorganiser avec succès les troupes Teutoniques et infliger de lourdes pertes aux armées polono-lituaniennes en attaquant celles-ci dès leur arrivée au pied des murailles de Malbork. Celles-ci, qui espéraient que la ville tomberait rapidement, vont dès lors se retrouver obligées de mener un siège de longue haleine. Mal préparées, souffrant d’un manque de matériel de siège, et victimes d’une épidémie de dysenterie, elles lèveront finalement le siège deux mois plus tard, le 19 septembre 1410.

    . La paix, mais à quel prix ?

    Un an après, la paix sera signée entre les l’État Teutonique et la Pologne. Malgré sa cuisante défaite militaire, l’Ordre n’est contraint qu’au versement d’une amende de guerre et doit se séparer de quelques territoires : un moindre mal. Mais l’Ordre est fragilisé ; affaibli militairement, il est désormais encerclé par le royaume uni de Pologne et de Lituanie. En novembre 1414, le concile de Constance est convoqué pour mettre fin au chiisme qui divise l’église d’Occident. A cette occasion les Teutoniques soulèvent la question du différend territorial qui les oppose à la Pologne, mais leurs efforts diplomatiques se soldent par un échec.

    C’est le début du déclin de l’Ordre. En février 1454, la Confédération Prussienne organise un soulèvement contre l’Ordre Teutonique. Celui-ci est un succès éclatant : la plupart des places fortes Teutoniques sont prises. Ce soulèvement déclenche une guerre civile qui va durer 13 ans. En 1457, le grand-maître de l’Ordre doit se résoudre à vendre le château de Malbork pour payer les troupes de mercenaires qu’il a engagées pour protéger les restes de son pouvoir. Königsberg devient alors la capitale des derniers lambeaux de l’État Teutonique. Mais celui-ci perd peu à peu ses domaines, ses édifices, et avec eux la possibilité d’exercer son autorité sur une population qui ne veut plus être gouvernée par des religieux.

    En 1525, le grand maître de l'Ordre, Albert de Brandebourg-Ansbach, adoptant les recommandations de Luther, décide d’abroger l'état religieux et de transformer le patrimoine de sa communauté en une principauté qui deviendra bientôt le berceau de l'État prussien. Comble de l’ironie, cet état prêtera allégeance à la couronne polonaise, ennemie héréditaire des Chevaliers Teutoniques, et deviendra l’un de ses vassaux. L’histoire trois fois centenaire de l’Ordre Teutonique se termine ainsi. Par la suite, l’Ordre reviendra à la tâche qui en fût le fondement : la charité. Aujourd’hui encore, ses membres continuent de pratiquer cet idéal un peu partout dans le monde, toujours fidèles à la devise originelle de l’Ordre d’aider et de guérir ensemble.

     

     

     

     

     

    Delicious Yahoo! Pin It




    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique