• le BESTIAIRE au MOYEN AGE

     

     Les animaux au moyen âge

    Une géographie du monde animal médiéval.

    Les animaux au moyen âge

      

    De gauche à droite et de haut en bas :

    Éléphant, chien, loup, chien, lapin, chèvre.

    Cheval, lion, chien, bélier, puma.

    Cerf, licorne, ours, dromadaire, rat.

    Sanglier, vache, hérisson, écureuil, dragon.

    Âne, chat, singe, agneau, loutre, sirène.

    De l’animal dépendent l’alimentation, le labour, l’amendement des sols, le vêtement, l’éclairage, le transport.L’animal est aussi le prédateur, l’ennemi, le parasite, le vecteur de maladies, le dévastateur de récoltes.

    C’est un référent symbolique majeur de la pensée chrétienne et de la vie sociale, on le trouve dans les bestiaires moraux, les blasons et arts religieux et profanes.

    L’auroch disparaît d’Europe en 1627 (L’auroch est une vache un peu particulière, elle a deux longues cornes épaisses vissées sur la tête et semble sortir d’une peinture préhistorique. C’est pourtant dans la région de la Lozère, chez un couple de fermiers, que l’on peut en trouver un troupeau entier. Cet animal préhistorique avait cependant disparu depuis plus de 3 siècles, avant qu’il ne soit reconstitué dans les années 1930 à partir des croisements d’une dizaine de races de vaches rustiques d’Europe, du toro de combat espagnol au taureau de Camargue en passant même par le ‘highland ‘ d’Ecosse.)

    Au-delà, le spectre faunique n’a pas beaucoup changé, seule l’aire d’extension des espèces est plus étendue pour le loup, le lynx, l’ours, le castor, le bison, les cétacés. Certaines espèces n’apparaissent qu’après le Moyen Age : le dindon, la pintade de Numidie, le rat surmulot, le cochon d’Inde, le rat musqué

      

      

    .De l'ours et de toute sa nature .  Gaston Phébus, Livre de chasse France, début du XVe siècle Paris, BNF, département des Manuscrits, Français 616, fol. 27v.

    De l'ours et de toute sa nature . Gaston Phébus, Livre de chasse France, début du XVe siècle Paris, BNF, département des Manuscrits, Français 616, fol. 27v  

      

    C’est au cours du Moyen Age que les espèces (sauvages ou domestiques) introduites par les Romains vont se diffuser et modifier la faune :

    Le rat noir qui véhicule le bacille de la peste (précédemment localisés dans les zones commerciales) sature l’Occident dès le XIème siècle.

      

      

      

    le chat domestique.

    Le daim que l’on trouve sur les tables seigneuriales occupe les parcs à gibier d’Angleterre, il prend le pas sur les cerfs et les chevreuils.

    Chien pour suivant un cerf (Psautier, XIVème siècle) © Institut de recherche et d'histoire des textes - CNRS

    Chien pour suivant un cerf (Psautier, XIVème siècle) © Institut de recherche et d'histoire des textes - CNRS

    Le paon également sur les tables des seigneurs.

    PaonL’âne et le mulet également introduit par les Romains s’intègre au monde médiéval. La pintade à barbillons bleus réinvestit l’Occident vers le XIII. Le lapin n’a pas toujours été un animal familier. Au départ, on le localise en Espagne et dans le sud de la France, il franchit la Loire au IX et s’implante en Angleterre à la fin du XII.

    L’Angleterre où la déforestation est précoce présente un autre spectre faunique : la rareté du sanglier, l’extinction précoce de l’ours (peut être même à la fin de l’empire romain) et du loup (vers la fin du XVème siècle) en sont les grandes caractéristiques.

      

      

    La diversité du monde animal :

    L’homme médiéval et le monde animal sont unis par des liens beaucoup denses que de nos jours, l’étude archéologique des ossements animaux contribue à la compréhension de ces liens. Qu’y trouve t-on ? D’abord les animaux domestiques du cheptel, de la basse cour, puis le cerf, le chevreuil et le lièvre (les plus chassés) puis le sanglier et le lapin. Chez les oiseaux : poule, oie et canard colvert, les perdrix, les colombiformes et les corvidés. Les oiseaux de prestige sur les tables seigneuriales : le héron cendré et la grue.

    D’autres animaux familiers : le rat noir qui infestent les maisons, la souris, le renard (prédateur de basses-cours souvent piégés). Les reste de l’ours ne sont pas rares, le castor (pour sa fourrure et son castoréum : le castoréum est l’une des six matières premières animales de la parfumerie avec le musc, l’ambre gris, la civette, la cire d’abeille et l’hyraceum. Son odeur, agressive à l’état pur, devient agréablement douce et chaude une fois le castoréum dilué et rappelle le cuir, l’huile animale et la fourrure).

    On trouve aussi des animaux qui ne sont pas familiers mais proches de l’homme : l’élan, le hérisson, l’écureuil et de nombreux oiseaux : les grives et les merles, les bécasses et les bécassines, les harles :

    Barthélémy l'Anglais. Livre des propriétés des choses. Reims, Bibliothèque municipale ms993, fol159 

    les cygnes, les paons :

    Barthélémy l'Anglais. Livre des propriétés des choses. Reims, Bibliothèque municipale ms993, fol159

    les foulques :

    les cigognes,

    tous ces oiseaux sont consommés.les oiseaux de volerie : des palombes, des éperviers et des faucons même si derniers sont moins répandus.

      

    Bathélémy l'Anglais. Livre des propriétés des choses. Reims, Bibliothèque municipale, ms 993, fol 148v.

     Bathélémy l'Anglais. Livre des propriétés des choses. Reims, Bibliothèque municipale, ms 993, fol 148v

      

      

    Sur la table de l’homme médiéval: une centaine d’espèces de mammifères plus de 200 espèces d’oiseaux, 150 espèces de poissons, liste à laquelle il faut ajouter des amphibiens, des crustacés et des mollusques.

    Dans cet imposant cortège, la place de choix est tenue par les animaux du cheptel qui représentent 70 à 94% des restes d’animaux consommés. C’est le bœuf qui domine l’alimentation carnée. Le porc l’emporte avant le XIII. Les moutons et loin derrière la chèvre sont présents dans l’alimentation méditerranéenne.

    Boeuf de saint Luc. © Institut de recherche et d'histoire des textes - CNRS

    Boeuf de saint Luc. © Institut de recherche et d'histoire des textes - CNRS

    Les viandes de basse-cour assurent partout un complément constant, mais faible, tandis que les produits de la chasse se concentrent, sans abonder, sur les sites seigneuriaux.(Frédérique Audouin – Rouzeau)

    Les animaux de cheptel, d’élevage ou de basse-cour sont de petits formats (comme à l’Age de fer), cela contraste avec les grands animaux produits par l’Empire romain. Au Moyen Age, les bovins atteignent 1.10 mètre au garrot, les chevaux 1.35 mètre environ, les ovins 60 cm, les porcs 70 cm.

    C’est avec les Temps modernes … que s’amorcera l’élévation décisive de leur (des animaux) gabarit, tandis que la faune sauvage commencera à perdre du terrain et l’éventail des viandes consommées à se restreindre singulièrement.

      

    Lapin chevauchant un chien tenant au poing un escargot .  Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, ms. 143 , fol. 165 (© Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris)

    Les bestiaires.

     

    Lapin chevauchant un chien tenant au poing un escargot . Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, ms. 143 , fol. 165 (© Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris)

     

    Au sens strict du terme, le mot « bestiaire » désigne au Moyen Age, un recueil autonome, principalement consacré à la description et à l’interprétation emblématique d’animaux, réels ou fabuleux, de « pierres »

     

    Quelle est l’origine du bestiaire médiéval ?

     

     Au cours du IId siècle ap JC, un auteur d’Alexandrie anonyme compose le Physiologus : c’est un mélange de citations bibliques, de légendes populaires et d’informations tirées des naturalistes antiques. Cette compilation présente des animaux dont la « nature » est le prétexte à des interprétations emblématiques. Le Physiologus connait un grand succès en Orient et en Occident, il est enrichi au fil des temps et devient la source principale des bestiaires médiévaux. Le Physiologus lègue notamment son mode de fonctionnement : chaque rubrique s’ouvre par un titre (ex : « Du chien », « De la perdrix » …) et évoque les prétendues « natures » de l’animal, puis celles–ci sont utilisées comme support à des enseignements moraux et religieux.

     

    Prenons un exemple : le lion, poursuivi par des chasseurs efface les traces qu’il laisse avec sa queue, rappelle aux hommes que le Sauveur ne se révèle pas clairement. Peut – être un deuxième exemple : trois jours après la naissance de ses petits, le pélican s’ouvre le flanc pour les arroser et les ramener à vie, cela permet d’évoquer le sacrifice du Christ.

     

    Les bestiaires moralisés comptent parmi les meilleurs témoins du néoplatonisme augustinien dominant avant 1250. (Jean Maurice). Dans le néoplatonisme augustinien, toute créature reflète le Créateur, l’univers naturel se transforme en un grimoire à déchiffrer. Les animaux sont alors les allégories vivantes du Créateur et de son Eglise, ils se transforment donc en signes. En fin de comptes, les bestiaires sont des ouvrages permettant de vulgariser l’exégèse

     

    De quand date le premier bestiaire en langue vulgaire ?

     

    Le premier bestiaire date du début du XII : il a été écrit par Philippe de Thaon, un clerc qui a vécu en Angleterre(Pour en savoir plus: http://theses.enc.sorbonne.fr/document959.html).

     

    Le clerc élabore son bestiaire selon une double logique. Un ordre qui classe selon les espèces : les « bestes », oiseaux et pierres ; un ordre qui les classe en fonction de ce qu’ils représentent : Christ, homme ou diable. Ce classement (cette dispositio) qui structure aussi bien les comparants que les comparés induit un mode spécifique de lecture : les « natures » étant essentiellement allégoriques, elles rendent compte de la raison d’être des bestiaires moralisés.

     

    Au début du XIIIè siècle, trois bestiaires se succèdent : celui de Pierre de Beauvais qui a transcrit une partie du Physiologus, deux versions de son texte sont parvenues jusqu’à nous, une courte de 38 articles, une autre comportant 33 articles supplémentaires. Guillaume le Clerc, un Normand installé en Angleterre utilise une autre version du Physiologus pour écrire vers 1210 son Bestiaire divin, il utilise des rimes consonantes et a l’ambition de dépasser la simple traduction-compilation, il va enrichir les histoires et le commentaire allégorique s’enrichit d’une portée morale ; pour les spécialistes le bestiaire de Guillaume est l’un des plus originaux.

     

    Quelques illustrations de ce bestiaire :


     

    Le Bestiaire de Cambrai écrit vers 1260 est le dernier recueil moralisé traditionnel. Les bestiaires vont peu à peu disparaitre : la montée de l’aristotélisme rend moins évidente la portée d’une interprétation allégorique. De plus, l’allégorie profane émerge lentement, les « natures » deviennent alors les supports d’un discours érotique comme dans Le Bestiaire d’amour de Richard de Fournival.

     

    Pour lire le manuscrit : c’est sur le génial de la BNF : GALLICA :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1304386.r=Richard+Fournival.langFR

     

     

    Enfin, se développe une encyclopédie d’un genre nouveau marqué par un esprit préscientifique : Le Livres du Trésor de Brunetto Latini qui ne retient que le discours zoologique. Les gloses disparaissent du genre.

     

     

    La fin des bestiaires.

     

    Le genre des bestiaires perd ses plumes en deux temps : les coups de boutoir sont assénés par la montée en puissance de la parodie, la « sénéfiance » se déplace : la « sénéfiance relève d’une préoccupation didactique, R. Guitte la présente comme le second terme du symbole, la leçon de morale ou de sagesse, l’application mystique et aussi l’exemple d’où est tirée une leçon et le glas sonne avec la disparition des gloses conçues dans les bestiaires comme un critère définitoire.

     

    Pour en savoir plus sur la symbolique et le symbolisme au Moyen Age :

     

     

    la suite … http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1954_num_6_1_2051

     

    Pour circuler et feuilleter les bestiaires, la BNF propose une exposition virtuelle passionnante. 

     

     SOURCES :

    article http://biblogotheque.wordpress.com/tag/moyen-age/page/2/

      

      

     

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