• HYGIENE, FRAUDES et INSPECTION SANITAIRE au MOYEN AGE

     

     

    Hygiène, fraudes et inspection sanitaire

     

    Dés sa naissance, sans aucun doute, le commerce engendra la fraude : des viticulteurs gaulois avisés de la Narbonnaise contrefaisaient adroitement les marques de négociants campaniens et paraient ainsi leurs piquettes du prestige des meilleurs crus italiens.

    Le Moyen-Age connut lui aussi ses fraudeurs : les produits de la glyptique antique et tout particulièrement les " grylles ", ces figures grotesques composes d'une tête et d'une paire de jambes sulptées dans des camées étaient imités à la perfection par des artisans joailliers.

      

    Les tapissiers "sarrazinois" cités par le Prévôt Etienne Boileau, imitaient au vu et su de tous les fleurons de la tapisserie arabe.

      

    Boulangerie

      


    Les "regrattiers" mouillaient quelquefois leur lait, à leurs risques et périls... Les boulangers eux-mêmes n'étaient pas toujours très délicats : en 1316 tandis que la disette sévissait, seize artisans furent condamnés au pilori puis au bannissement du Royaume pour avoir mêlé des ordures à leurs farines ...

    Les bouchers de Paris ou d'autres villes recouraient quelquefois à des pratiques qui pouvaient porter préjudice à la santé des consommateurs, formellement interdites par les Ordonnances royales ou par les règlements des Communautés.

    Le respect des bonnes coutumes était l'une des attributions du Maître Chef et des Jurés de la Grande Boucherie, en l'absence de tout service sanitaire officiel.

    Les Inspections des tueries ou des étals semblent avoir été fréquentes, voire systématiques. Tous les bouchers étant installés dans un espace restreint : il était difficile un contrevenant de ne pas être trahi par un voisin jaloux ou craignant de devoir acquitter la taxe de non dénonciation ...


    Bien évidemment les inspecteurs ne pouvaient durant leur travail faire appel à des notions de microbiologie ou de parasitologie.

     

     

      

      

    Pas plus que les médecins de l'époque, ils ne savaient que les asticots étaient pondus par les mouches et pensaient qu'ils naissaient par génération spontanée. Ils étaient bien incapables de relier le ténia, grand ver parasite de l'intestin de l'homme, aux petits grains blancs dans la viande bovine, ses formes larvaires.

    Cependant, si nos ancêtres du Moyen-Age ignoraient tout des agents infectieux, ils possédaient quelques idées sur le caractère nocif de certaines denrées, idées quelquefois entachées de considérations religieuses, superstitieuses.

      

    Ou de conclusions hatives : si une épidémie de rougeole s'abat sur la France en 1411 et qu'une épizootie de clavelée ravage au même moment les troupeaux de moutons, avec des rougeurs comme symptômes communs, c'est que la maladie peut passer de l'homme à l'animal.

     

    Ils avaient pu constater que certaines affections de l'animal pouvaient se transmettre à l'homme et que des mauvaises pratiques ou des erreurs de travail pouvaient faire rapidement "tourner" les viandes.

     

    Le Prévôt de Paris interdira aux charcutiers de vendre "chair cuite, soit qu'elle soit en saucisses ou autrement, qui soit puante ou infectée, et non digne de manger à corps humain."

      

    "Que chascun charcutier cuise les chairs qu'il cuira en vaisseaux [récipients] nets et bien écurés; et couvre les chairs, quant elles seront cuites, de nappes et linge blanc qui n'ait à rien servi depuis qu'il a été blanchi."

     

    "Nul cuisinier, ne paticier, ne pourront tuer ne faire tuer nulle bestes, fors cochon de lait, pour ce qu'ilz ne sont pas cognoisseuans de maladies qui sont ès betes" ( Henry VI de France et d'Angleterre 1425, boucherie d'Evreux).

      

    Inspection ante mortem

    Les animaux devaient arriver sur leurs pieds jusqu'au lieu de l'abattage et de la découpe : ceci permettait d'empècher que des bouchers malhonnètes tuent discrètement des bêtes malades, voire qu'ils saignent une bête morte et ne les apportent ensuite à la découpe.

      

    Les animaux destinés à l'abattage devaient être en parfaite santé ; à plus forte raison la préparation de viandes cadavériques était prohibée :

      

    "nul bouchier ne pourra admener chars mortes pour escorchier ne vendre, ne aussi tuer aucune bête malade qui ne menguent [mangent] point qui ne soient voues par les jurez avant qu'ils les tuent" (Statuts de la Boucherie de Sainte-Geneviève 1381).

      

    " Que nul bouchier ne soit si hardy de vendre chars à la porte, se elle n' a été vue estre vive de deux ou trois hommes qui le tesmoigneront par un serment convenable et souffisant, et non pourtant ne la povant-ils vendre tant que les Juréz l'aient veue et instituée à bonne" ( Le Mans, statuts de 1317).

     

    Comme aujourd'hui, les personnes chargées de faire respecter l'hygiène alimentaire pouvaient décider de laisser consommer ou non un animal malade, en appréciant le risque pour le consommateur : "l'an de grace l305 […] fut arse [brûlée] une vache qui fut condampnée par les jurés et par le maire [...] pour ce que la dite vache n'estait pas souffisant et qu'elle avait été IIII jours en son hostel, que les piez ne pouvaient porter le cors ...

      

    "Une exception notable : les porcs nourris avec les résidus de boulangerie, car ils étaient obèses. Ils pouvaient donc être amenés en chariot.

      

    Mais ces animaux, qui permettent aux boulangers de gagner correctement leur vie, étaient moins recherchés que les porcs de banlieue ou de province nourris aux fruits des bois.

      

    Une mention toute particulière était faite des bestiaux atteints du fil encore appellé fy ou loup, transmissible à l'être humain. A Sainte-Geneviève '"Nul boucher ne pourra tuer char pour vendre qui ait le fil sur peine d'être arses devant son huys, gectée aus champs ou en la rivière et de payer l'amende ".

      

    Même prescription à Pontoise en 1403 "que toutes bêtes aumailles gouteuzes, mortes de loup ou fy courant ne doivent astre vendues en la dicte boucherie".

      

    Cette maladie est mal identifiée, mais on peut raisonnablement penser qu'il s'agissait de la tuberculose.

      

    Toute bête simplement suspecte étant détruite, ceci montre que les bouchers du Moyen Age étaient plus radicaux que nos services sanitaires actuels puisque, au début du XXème siècle, on assainissait certaines viandes en les cuisant à l'autoclave et que, actuellement, toutes les formes de tuberculose n'entrainent pas une saisie totale.


    Du fait de son caractère de commensal de l'être humain, et de ses moeurs alimentaires assez répugnantes, le cochon semble avoir été soupçonné d'être à l'origine de maladies variées : "Nul bouchier […] ne pourra tuer char de porc qui ait est nourris en maison de huillier, de barbier, ne de maladrerie sur peine estre gectées aus champ ou en la rivière et de payer l'Amende (Sainte-Geneviève).

     

    Nous avouons ne pas comprendre l'ostracisme frappant les pourceaux élevés par les huiliers : leur chair était-elle désagréablement parfumée par les résidus da pression des amandes, des olives ou autres oléagineux ? Etait-elle huileuse ?

      

    L'interdiction d'abattre des pourceaux vendus par des barbiers se comprend plus facilement : ces artisans soignaient des malades, effectuaient des saignées ou des amputations. L'horreur de l'anthropophagie, par cochon interposé, s'alliait à l'hygiène dans l'esprit des législateurs.

     

    L' interdiction frappant les cochons nourris en maladrerie pose un problème. Peut-être voulait-on éviter tout contact entre individus sains et lépreux? La claustration des malades dans les léproseries ou "maladreries" n'avait pas d'autre but.

      

    On confondait également sous le même vocable la "ladrerie" ou cysticercose porcine, affection parasitaire due à un ténia dépistée par les languiers et la "ladrerie" humaine, la lèpre infectieuse, quelquefois caractérisée par des formes noduleuses.

     

    Cette hypothèse est confirmée par la lecture du "traité de Police", de Nicolas de La Mare et par divers textes antérieurs. Sous le règne de Charles VI, des "langoyeurs" institues par le Maître Chef se chargèrent d'inspecter les porcs pour dépister la ladrerie.

      

    En 1517, on marquait les porcs ladres à l'oreille, et leur viande était "assainie" par quarante jours de salage, temps suffisant pour tuer les parasites. " Les porcs dont les chairs ne sont encore que sursemées de quelques grains de ladrerie peuvent être ramendez. Si les chairs ne sont pas encore corrompues, le sel peut en corriger la malignité, on peut ensuite en user sans péril.

      

    La chair de porc sursemée sera mise au sel pendant quarante jours puis vendue dans un coin particulier des Halles, [marqué] par un poteau et un drapeau blanc" ( in traité de police de Delamare, 1729). De nos jours, on serait plutôt tenté de recourir à la congélation, s'il n'y a pas trop de kystes répugnants.

     

    Les porcs les plus atteints étaient amputés d'une oreille et leur viande n'était pas destinée à la vente en boucherie. Elle devait être ruée en Seine, mais sous Louis XI, on la juge assez bonne pour les prisonniers du Châtelet. Ou bien, on pouvait la donner aux lèpreux, puisqu'ils étaient déjà infectés.

     

    La viande des femelles en activité sexuelle n'était pas utilisée.
    "Sa il y a quelque vache qui requière le toreau ou qui y ait esté de nouvel, ou qui ait de nouvel veellé [...] une truie qui est en ruit ou qui a nouveau cochonné il esconvient qu'elle soit résidiée de 3 sepmaines et 3 jours avant qu'elle soit disirée de vendre" (Pontoise 1403).

     

      

    Sans doute les considérations hygiéniques (risque de microbisme post-partum) ne pesaient-elles pas lourd devant le dégoût de la sexualité.

    Les animaux trop jeunes n' étaient pas abattus : "nul bouchier ne pourra tuer ne vendre char de lait, se elle n'a plus de 15 jours" (Sainte-Geneviève).

    "Le veau ne doit étre vendu en ladicte Boucherie se il ne a XVII jours frans, et si ne doit estre plus hault de une nuit en sa pel et n'en doit on oster quelque membre jusques a se que la pel en soit toute hors" (Pontoise).

     

    Les jurés ne méconnaissaient pas la maturation des viandes, absolument nécessaire à son attendrissement : "On ne pourra […] exposer nulles chars chaudes et nouvelles tuées jusques à ce qu'elles soient refroidies bien…"

      

    (Henry VI, roi de France et d'Angleterre, 1426, boucherie d'Evreux).

      


    Il fallait plutôt craindre la trop grande maturation ou la putréfaction des viandes, puisqu'il n'existait aucune méthode correcte de longue conservation des aliments, si ce n'était le salage et l'entreposage dans des pièces fraîches, parcourues par des courants d'air perpétuels. Ceci étant, les bouchers pouvaient et devaient ajuster la quantité de bêtes abattues aux consommations estimées.

      


    A Saint-Médard, nul boucher ne pouvait "ne par lui ne par autre tuer char, quelle que elle soit, au jour dont l'en ne mengera point de char l'endemain..." Idem à Sainte geneviève.
    Il était aussi interdit de tuer des animaux dans les derniers jours du Charnage et à plus forte raison dans le Carème, sauf pour les malades.

      


    Le Prévôt ordonna en 1391 de brûler "toute char fresche [non salée] gardée du jeudi au dimenche et tout rost aussi gardé…" Au total, il semble que les viandes devaient être consommées dans les deux jours suivant l'abattage.

      

    Donc, la légende d'un cuisinier du Moyen Age camouflant l'odeur des viandes putrides sous une tonne d'épices est totalement controuvée.

     

     

     

    Nous ne saurons malheureusement jamais de quelle façon se comportaient les artisans de la Porte lorsqu'ils découvraient un kyste hépatique, un abcés pulmonaire ou des arthrites non décelées à l'inspection ante mortem.

      


    Paraient-ils largement la pièce de découpe surtout lorsque l'aspect des lésions était trop répugnant ? Se contentaient-ils d'ôter les formations suspectes et maquillaient-ils les défauts de leurs viandes ?
    II semble que ce fut parfois le cas, car le Prévôt de Paris dut leur interdire de laisser brûler des chandelles autour des étaux aprés sept ou huit heures, selon la saison :

      

    les bouchers "presque tout au long du jour avoient et tenoient grands foisons de chandelles allumées en chascuns leurs étaux.

      

    Par quoi leurs chairs, qui étoient moins loyales et marchandes, jaunes, corrompues et flétries, sembloient aux acheteurs très blanches et fraîches sous la lueur d'icelles chandelles." Le travail de nuit était interdit à tous les métiers, sauf exception : par exemple les armuriers, pour une commande urgente et vitale....


    Ainsi, les autorités réclamaient des bouchers qu'ils vendissent "de bonnes chars et loiaux et marchandes". Ce n'était pas toujours le cas mais, comme aujourd'hui dans les pays ou les classes sociales défavorisés, les chalands se souciaient souvent plus de manger que de la qualité de la nourriture.

     

     

    Il semble que dans certaines villes du Midi, les animaux malades ou accidentés étaient interdits de commercialisation dans le circuit des boucheries traditionnelles, mais qu'elles pouvaient être vendues dans des boucheries de deuxième rang. Dès lors, il y avait un marché à deux vitesse :

      

    les gens aisés pouvaient faire acheter de la viande réputée saine au "mazel" et les pauvres se rendaient à la "bocaria" pour acheter de la viande malsaine, en toute connaissance de cause.

     

     

     

     

     

    Les ordures, boues et effluents

     

    Au terme de ce chapitre consacré à l'inspection sanitaire nous désirons évoquer le délicat problème des effluents.

      

    Nous avions rappelé dans le premier chapitre la déplorable situation dans laquelle se trouvait Paris au Moyen-Age : aucun égout digne de ce nom, des rues boueuses remplies d'immondices, des puits contaminés par des fosses à déjections à l'étanchéité sciemment déficiente.

      

    Sciemment, car la vidange d'une fosse par les Maîtres "Fy Fy " coûtait cher au propriétaire, alors que si l'on disjoignait discrètement quelques moellons de maçonnerie, on pouvait espacer les curages…

     


    "Chacun laisse boues fientes et ordures devant son huis, au grand grief des créatures humaines" (Ordonnance de 1388). La situation était des plus catastrophique encore près des tueries et des boucheries : les urines, les fientes, le sang des bêtes écorchées, le contenu des viscères, les sérosités empruntaient des rigoles creusées dans le sol des ateliers, coulaient dans les rues et stagnaient dans les caniveaux.

      

    Les bouchers de Sainte-Geneviève eurent à soutenir les attaques de l'Université qui réclama, longtemps en vain, le respect de la loi : les ordures devaient être transportées hors de la capitale et répandues dans des champs, loin des cours d'eaux ou des voiries.

      

      

    Une ordonnance royale, en 1353, dut interdire le rejet des immondices sur la voie publique et le comblement des fosses :

      

    "Nul ne pourra avoir ezvier ne agout par lequel il puisse laissier couler sang […] ne autre punaisie se ce n'est eaue qui ne sente aucune corruption. "

      


    "Nul bouchier ne pourra avoir ne tenir fosse, et celles qui a présent sont, seront emplies dedans la mi août prochain venant, aux dépens et frais de seulz qui les ont ... "

    En 1366 un arrêt du Parlement constatant l'inefficacité de ces mesures exila les bouchers de Sainte-Geneviève en dehors de Paris :

      

    "Seront tenuz de tuer […] sanz laissier aller ne getter les ordures de leurs escorcheries, excepté que les fanz et laveures qui pevent passer par uns plataine de fer [trémie] percée tros mesnuz du gros d'un petit doigt d'un homme ..."

     

     

    Les bouchers d'Amiens connurent les mêmes difficultés en 1281 (ordonnance du 1er avril) : " Il est interdit aux bouchers d'écorcher leurs moutons, veaux, agneaux, pourceaux et autres menus bétails dans leurs maisons ou devant leurs étals, car le sang, les boyaux et la fiente des entrailles de ceux-ci sont jetés et coulent depuis leurs maisons et leurs étaux dans la rue ce qui corrompt l'air, rend malade les hommes, et fait souffrir les passants à cause de cette abomination.

     

     

    Il est donc ordonné aux bouchers de tuer les animaux à l'écorcherie. Ils pourront toutefois tuer des animaux chez eux à condition qu'ils recueillent le sang et les ordures dans des récipients qu'ils iront ensuite porter à l'écorcherie "..

      

    Leurs collègues du Châtelet ne subirent pas le même sort car ils étaient installés dans une enclave industrielle dont tous les habitants tiraient leurs revenus du travail de la viande et des cuirs : bouchers, écorcheurs, tanneurs, tripiers ... Ils purent dont, à loisir, empuantir le voisinage et souiller les rives de Seine en amont du Louvre.

      

    L'abolition de la Communauté en 1416 devait s'accompagner d'un transfert de la tuerie dans un terrain de l'Ouest parisien "prés ou environ des Tuileries Saint-Honoré qui sont sur ladicte riviére de Seine, oultre les fossez du chasteau de bois du Lovre".

    Cette excellente mesure fut hélas rapportée "et l'eaue de la riviére de Seine [resta] corrompue et infecte par le sang et autres immondices desdites bestes qui descendait et que l'en gectoit en ladite rivière de Seine ..."

     

    Peut être les autorités parisiennes auraient elles pu s'inspirer d'une mesure radicale des échevins d'Amiens en 1413 :

      

    " Tout animal découvert en train de divaguer, sera amputé d'une patte la première fois, d'une seconde patte en cas de récidive puis livré au bourreau si le propriétaire n'a pas encore compris. "

     

    Mesure jamais appliquée ; en 1454 il faudra rappeler : " Parce que plusieurs inconvénients peuvent naître à cause du fait que plusieurs personnes demeurant en la dite ville entre les quatre portes, nourrissent des pourceaux dans leur maison, celliers, ou d'autres lieux et que ces bêtes sont sales, corrompent l'air à cause de leurs odeurs, ce qui pourrait rendre dangereusement malade des gens, ces messieurs de la ville ont fait crier et ordonner que personne ne nourrisse des pourceaux entre les quatre portes de la dite ville. "

     

    Précisons toutefois, à 1'intention des beaux esprits et persifleurs, prompts se moquer de nos lointains ancètres que l'on ne cessa qu'en 1849 d'épandre les ordures à Montfaucon et que la capitale ne fut dotée qu'en 1894 d'un réseau de tout-à-l'égout au terme d'une bataille épique ou s'illustrèrent médecins et ingénieurs des Ponts et Chaussées...

     


    éxécution de la truie de Falaise

      

      

    La fameuse truie de Falaise. Elle fut condamnée à mort pour avoir dévoré un jeune enfant.

     

    sources

    http://grande-boucherie.chez-alice.fr/Hygiene-fraudes.htm

     

     

     

     

    Les Jurés

     

    Au nombre de quatre en 1381 les Jurés étaient des Maîtres de la Grande Boucherie de Paris élus pour un an. A l'expiration de leur mandat (art.7), le jour de la redistribution des étaux, ils désignaient quatre de leurs collègues qui, à leur tour, désignaient les maîtres qui allaient un an durant

      


    tenir l'emploi de jurés; les quatre sortants "eulx memes ou d'autres selon ce que bon leur semble" (art. 15). Avec un tel mode électif, il n'y avait guère de chance pour quelqu'un n'appartenant pas à une grande famille de devenir juré..

     

     

     

    Prêtant immédiatement serment les nouveaux élus étaient investis du pouvoir de police. Par police il faut comprendre, selon les légistes du XVIème siècle, non point seulement l'actuelle police judiciaire, mais " un exercice qui contient en soi tout ce qui est nécessaire pour la conservation et l'entretien des habitants et du bien public ... ".

    La tâche était énorme : gestion financière, contrôle hygiénique, application des décisions judiciaires, respect des coutumes et surveillance des initiatives du Maître.

      

    Conjuration contre Caligula


    Les missions n'étaient pas sans risque et l'aide de trois écorcheurs assermentés sergents n'était pas superflue pour faire entendre raison à des artisans d'autant plus querelleurs et rancuniers qu'ils se savaient en faute.

      

    Ainsi, le 2 mars 1409, deux bouchers furent jetés dans les cachots de Saint-Germain "pour se qu'ils [avaient] été trouvez chargez et coulpables d'avoir esté de nuit avcaques plusieurs autres varlets bouchers [...] armez de bâtons ferrez espées et autres armeures pour vouloir battre [deux] sergens de Saint-Germain ou contents de ce qu'ils avaient est présens avecques Mons. le Prévot […] à faire la visitacion des suifs […] faisant laquelle visitacion l' en avait fait plusieurs rebellions ... "

    Cette pièce, il est vrai, se rapporte aux boucheries dépendant de l ' abbaye de Saint-Germain des Prés mais les oppositions, parfois violentes, étaient fréquentes dans tous les corps de métier.


    Il fallait recourir à des mesures coercitives : lorsque les sergents de la Grande Boucherie se heurtaient à un refus d'obéissance en signifiant à un boucher condamné une interdiction d'exercer, ils prévenaient aussitôt les Jurés qui décidaient "d'envoier force de leurs escorcheurs et de leurs gens qui l'estal dudit [...] désobéissant, pourront geter jus et abattre terre; ou se il persévère, despécier le ou ardoir ou getter en l'eau"(art. 4).


    Les Jurés mettaient leur point d'honneur à respecter l'esprit et la lettre du serment qu'ils prêtaient en entrant en fonction : "il garderont le mestier aux us et coustumes
    d' icellui et si mauvaise coustume y avait été alevée, i l'abattront et osteront a leur pouvoir et les bonnes garderont" (art. 16).


    L'inspection sanitaire était l'une des plus importantes tâches dévolues aux Jurés. Les viandes devaient être irréprochables et '"Le bouchier qui [vendaitl mauvaise char était puniz de LX sous d'amende et de foirier [sera frappé d'interdiction de vente] huit jours ou XV (art. 12). "

    Les animaux et les carcasses n'étaient pas soumis une inspection systématique car les rédacteurs des statuts avaient jugé que le travail s'effectuant au vu et su de tout le monde, la fraude devenait difficile.

    La délation était encouragée car "son voisin qui l'aura veu, se il ne l'en encuse, se il ne puet faire foy souffisans que riens n'en savait foirera selon le regart dessus dit".

      

    La sanction était rude mais c'était ce prix que les Jurés maintenaient la discipline et la cohésion du métier et lui gardaient une bonne renommée.

     

     

    Ne nous leurrons cependant point sur l'exemplarité de ces châtiments : les fraudes étaient certainement aussi fréquentes qu'à Saint-Germain des Prés ou Sainte-Geneviève dont les statuts contenaient un catalogue très fourni de pratiques formellement prohibées...


    Si les Maîtres de l' Apport avaient toujours échoué dans leurs tentatives d'exercer un droit de regard sur tous leurs concurrents, et particulièrement les boucheries ecclésiastiques, l'article 41 leur reconnaissait le droit -étonnant- de perquisitionner chez tout parisien soupçonné de de livrer à l'exercice illégal du métier ... "

      

    Se aucun autre que lesdiz bouchiers tait trouvé faisant tuer ou vendant en son hostel ou ailleurs […] " l'usurpateur était incontinent jeté en prison et les chairs détruites.

     

    Procès. Farce de Maitre Pathelin.

    En 1372 le Prévôt Hugues Aubriot étendit les tâches des Jurés à l'inspection des suifs "dont l'en fait ou pourrait faire chandelles", en les motivant par un intéressement aux amendes.

      

    La principale duperie en matière de chandelles de suif consistait à mélanger la graisse de bœuf avec des graisses de diverses origines. Les statuts des chandeliers de suif interdisaient clairement ces pratiques :

      

    "Nul vallès chandellier ne puet faire chandoiles chez regratier [gegne petit, détaillant en alimentation ]à Paris pour ce que li regrattier mettent leur suif de tripes et leur remanans [reste] de leurs oins ".

     

    Fagniez publia le compte rendu de l'interrogatoire d'un valet boucher de Saint-Germain qui n'est pas sans évoquer par sa saveur la farce de Maître Pathelin ...

      

    "Il estait en l'ostel de son maître avec [trois autres valets bouchers] et là affinoient et fondoient suif noir du demourant et des fondrilles de suif blanc qui le jour précédent avait esté fondu […] auquel suif blanc: fut mis […]

    du saing fondu . Une appellée Philipote [belle fille du Maître boucher] ala en l'ostel de Jean Bisart en une court et leur dit haute voix par dessus un mur […] que l'on visitait le suif parmy les autres ostelz de la boucherie et que

    ils fermassent les huys de l'ostel […] Tantost après eulx quatre dessus diz oÿrent hurter aud huys plusieurs coups dont l'un d'eulx, ne scet lequel, dist tels moz : je pense que vecy les visiteurs qui viennent. "

     

    La gestion financière était aussi au nombre des attributions des Jurés. Au terme de leur mandat ils devaient rendre compte de tous les émoluments, rentes, loyers et amendes qu'ils avaient perçues pour le pour le métier ainsi que de toutes les sommes déboursées.

    Mais l'exercice judiciaire réclamant des compétences trés particulière, qui ne pouvaient s'acquérir qu'après de longues années d'études, le Maître et les Jurés s'entourèrent d'un personnel dévoué - il s'agissait souvent de parents des Maîtres de la Boucherie - et compétent qui les assistait dans les démarches ou les procès dans lesquels le métier se trouvait impliqué.

      

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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