• Le château de Caen

     

    Le château de Caen est un ensemble fortifié du centre-ville ancien de Caen. Fondé vers 1060 par Guillaume le Conquérant, il connait de nombreux aménagements au fil des siècles.

    Avec 5,5 hectares, c’est l’un des plus grands châteaux d’Europe.

    Son enceinte contient aujourd’hui :

    • les vestiges du donjon, non ouverts au public ;
    • le logis du gouverneur (actuel musée de Normandie) ;
    • le cavalier d'artillerie et les salles du Rempart (salles d'exposition du musée de Normandie) ;
    • le musée des beaux-arts de Caen ;
    • l’église Saint-Georges ;
    • la salle de l'Échiquier en référence à l'Échiquier de Normandie (salle d’exposition temporaire pour le musée de Normandie) ;
    • le jardin des simples, reconstitution d'un jardin médicinal du Moyen Âge.

    La totalité des constructions et vestiges du château, à l'exclusion des fossés, du musée des Beaux-Arts et de l'aile en retour nord du musée de Normandie, fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le10 avril 19972.

     

     

     

    Situation[modifier | modifier le code]

    Le château est établi dans la plaine de Caen, sur le bord sud d'un plateau « de médiocre élévation »3 dominant la basse valléede l'Orne dans laquelle s'est développée la ville ancienne de Caen. À la pointe de ce plateau, une vaste enceinte flanquée de tours pour la plupart carrées délimite un espace d'environ 250 sur 225 m. À l'ouest et au sud, elle suit l'escarpement qui surplombe le centre-ville ancien et qui a été taillé pour être plus abrupt. À l'est et au nord, un fossé a été creusé dans le roc, le séparant du quartier du Vaugueux et de la campagne. Ses défenses ont été améliorées au cours des siècles ; s'y sont succédé : la tour-porte de Guillaume, le donjon carré d'Henri Ier et l'enceinte quadrangulaire à tours d'angle de Philippe Auguste. Un profond fossé, qui fut doublé ultérieurement, les isolait du plateau4,5,6.

    Histoire

    Le château ducal (vers 1060 - 1204)

     
    L'entrée primitive côté université
    Les origines du château

    À partir du xe siècle, la croissance agricole caractéristique de cette période entraîne la création de nombreux marchés locaux. Les seigneurs, désireux de contrôler le développement des villes et villages, érigent des châteaux et souvent accompagnent ces établissements par la fondation d'un établissement religieux. Caen est un bon exemple de ce qu'on peut appeler un « bourg castral ». Situé dans une riche plaine agricole, Caen n'échappe en effet pas à la règle et connaît un rapide développement le long de la rive gauche de l'Odon7. Il est donc possible qu'un premier élément fortifié ait existé vers 1025, date à laquelle Caen est qualifié de burgus (bourg) dans une charte de Richard II8 ; aucun élément archéologique ne vient toutefois accréditer cette théorie. Quoi qu'il en soit, c'est Guillaume le Conquérant qui met en place une véritable citadelle à partir de 1060 sur un éperon rocheux dominant la basse vallée de l'Orne. Il s'agit sûrement d'un moyen de contrôler cette agglomération qui prend de l'ampleur ; l'absence de lien entre le château et la ville à cette époque – la seule porte étant alors au nord – semble confirmer cette thèse. Mais le duc mûrit un plus grand dessein. Marqué par la rébellion des barons du Cotentin pendant sa jeunesse, il souhaite disposer d'un point d'appui sûr enBasse-Normandie8. Le site de Caen, à proximité de la mer et à équidistance de Rouen et du Cotentin, est donc choisi parGuillaume le Conquérant afin d'y construire sa forteresse. La construction du château, au même titre que la fondation de deux abbayes (abbaye aux Hommes et abbayes aux Dames), montre la volonté du souverain d'établir une deuxième capitale dans la partie occidentale du duché7.

     
    Salle de l’Échiquier (xiie siècle)
    Une résidence princière

     

    Toutefois, dès ses origines, le château de Caen semble être davantage une résidence princière où le duc-roi exprime sa puissance et son prestige qu'une forteresse au rôle militaire affirmé.

     

    L'élément le plus important du château est en effet le palais constitué d'appartements privés destinés à la famille princière (les camerae), d'une chapelle (lacapella) et surtout d'une salle d'apparat (l’aula). Certes, le château est protégé par les fossés et par l'escarpement rocheux, retaillé pour être plus abrupte, et dès la fin du règne de Guillaume le Conquérant, la simple palissade qui devait ceinturer le plateau a été remplacée par une muraille de pierre. Mais le château souffre déjà de son archaïsme d'un point de vue militaire. La présence des civils, un village regroupé autour de l'église Saint-Georges étant incorporé à l'enceinte, peut constituer une gêne ; toutefois le château assurera un rôle de refuge tout au long du Moyen Âge. Plus grave, sa localisation à mi-pente le rend très vulnérable : il surplombe la ville qui se développe à ses pieds au sud, mais il est lui-même dominé au nord par les coteaux où s'élève aujourd'hui le campus

    . De plus, son emprise est beaucoup trop vaste (5 hectares) et il n'est protégé que par une simple tour-porte située au nord de l'enceinte.

    Le château au xiie siècle

    Le fils de Guillaume le Conquérant, Henri Ier Beauclerc, tente de régler ce dernier problème au xiie siècle par la construction dudonjon à proximité de la tour-porte. Cette tour carrée, peut-être entourée d'un mur, est un véritable château à l'intérieur du château. Construit vers 1120, il fait partie des nombreuses tours construites par le roi d'Angleterre après sa reprise en main duduché de Normandie9. Mais le rôle administratif et politique du château reste prégnant. Plus ou moins à la même époque, le roi d'Angleterre fait également construire une nouvelle aula, aujourd'hui connue sous le nom de salle de l'Échiquier. Deux fois plus grande que la précédente, elle permet de répondre au faste de la cour royale. Cet usage survivra à Henri Ier Beauclerc, puisque son successeur Henri II d'Angleterre et ses fils (Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre) y organisent en 1182 une fastueuse cérémonie pour les fêtes de Noël afin de démontrer la supériorité de sa cour et donc son prestige à ses adversaires, notamment le roi de France Philippe II. Fait rare, une seconde salle d'apparat, plus petite, est semble-t-il construite au sud-ouest du grand hall sur l'esplanade surplombant la ville10. L'étude des Grands rôles de l'Échiquier montre également que la résidence princière caennaise est l'une des plus visitées par les ducs-rois. Et surtout son rôle politique et administratif y est clairement identifié, surtout à partir de 1170 quand l'administration fiscale et judiciaire est partiellement sédentarisée à Caen9. Dans la deuxième partie du xiie siècle, l'intérêt militaire que portent les souverains anglais au château de Caen s'amoindrit. Leduché de Normandie n'est pas tiraillé par des troubles internes importants ; la menace provenant davantage de la frontière avec la France à l'est, Richard Cœur de Lion concentre ses efforts dans la vallée de la Seine8. Après la mort de son frère, Jean sans Terre utilise le château comme prison dans le conflit qui l'oppose à Arthur de de Bretagne dont le comte de la Marche. Il y met aussi à l'abri sa femme Isabelle d'Angoulême3.

    Le château royal (1204-1789)[modifier | modifier le code]

     
    Le château au xviie siècle.
    Les remaniements de Philippe Auguste

    Le château de Caen est pris sans combat par Philippe Auguste en 1204. Comme ailleurs dans le duché, le roi de France entreprend d'importants travaux afin de moderniser la forteresse. Afin d'améliorer les défenses au nord, le donjon est entouré par une courtine protégée à chaque angle par une tour circulaire et isolée par un profond fossé ; l'ensemble est doublé au nord par une autre tranchée tout aussi abrupte en fer à cheval qui forme ainsi une zone tampon appelée Roquette ou Garenne. L'accès au nord étant bouché par ces aménagements, l'accès se fait désormais à l'est par une porte fortifiée, la porte des Champs. Enfin deux tours circulaires sont érigées à l'est (tour Mathilde) et à l'ouest (tour Puchot) à la jonction avec les fortifications de Caen. Grâce à ses réalisations, le monarque dispose d'une citadelle plus sûre, mais il démontre également sa puissance dans l'une des principales villes de ce territoire nouvellement conquis.

    C'est aussi après sa reprise que le gouverneur du château et celui du donjon sont réunis en une seule fonction ; le château est désormais géré par un gouverneur unique, un lieutenant du roi et un major3.

    De la résidence princière au pôle administratif

    Le château de Caen n'est plus une résidence princière et les visites royales se font rares ; Henri IV serait le dernier à y séjourner le 12 septembre 1603, ses successeurs préférant loger en ville lors de leur passage à Caen. Le château accueille aussi parfois des hôtes de marque, comme Richard d'York, lieutenant général de Normandie et gouverneur de France et de Normandie, pendant l'occupation anglaise. Mais le château conserve surtout un rôle administratif important. L'Échiquier de Normandie s'y réunit une fois par an jusqu'à sa sédentarisation de fait en 1302 à Rouen. Le bailli de Caen, représentant du roi dans cette partie de la province, réside au sein de l'enceinte du château dans le Logis du Roi, mentionné pour la première fois en 1338. Le Logis du Roi, aujourd'hui connu sous le nom de Logis du Gouverneur, abritait les appartements personnels du bailli, une chapelle privée, les bureaux du bailliage et une salle d'audience11. En 1450, le bailliage s'installe rue Cattehoulenote 2. Le pouvoir royal est alors incarné par le gouverneur des villes et du château de Caen qui réside dans l'ancienne demeure du bailli. D'ailleurs la charge est souvent réunie à celle du bailli, quand elle n'est pas déléguée à un lieutenant général12.

    Le château dans la guerre de Cent Ans

    Au xive siècle, l'intérêt stratégique du château se trouve réaffirmé lors de la guerre de Cent Ans. La forteresse devient un élément clé du dispositif de défense de la Normandie. Des travaux de défense sont effectués après la prise de Caen en 1346 ; la transformation de la poterne sud ouvrant vers la ville en véritable accès fortifié, la porte Saint-Pierre, et la construction de labarbacane de la porte des Champs datent probablement de cette époque. Les tractations entre la France et l'Angleterre réduisent la menace extérieure et l'activité ralentit. Le réaménagement cesse totalement au début de l'occupation anglaise qui commence en 1417 après la prise de la ville et du château par Henri V d'Angleterre. Des travaux d'envergure reprennent toutefois à partir de 1435 quand les Français entreprennent de reconquérir la Normandie ; les Anglais construisent la barbacane de la porte Saint-Pierre afin de se protéger d'une attaque venue de la ville. Après la reconquête française en 1450, le château perd définitivement tout intérêt stratégique au plan national.

    Le château face aux troubles intérieurs

    En tant que symbole du pouvoir, le château de Caen reste néanmoins la cible de ceux qui contestent l'autorité royale. De ce fait, on continue de moderniser le château afin de l'adapter au progrès de la poliorcétique. De 1467 à 1468, le capitaine du château et sa garnison, prennent le parti de Charles de France contre son frère, le roi Louis XI. François de Silly, bailli de Caen à partir de 1503, fait renforcer les murailles du château en accumulant d'épaisses masses de terre le long des remparts afin d'augmenter leur résistance à l'impact des boulets. Mais quand le château est bombardé à partir du 1er mars 1563 depuis le cimetière de l'église Saint-Julien par les troupes protestantes de l'amiral de Coligny, une brèche est ouverte dans les murailles au bout du troisième jour et les catholiques encerclés se rendent ; une troupe de 2 000 hommes, commandée par François du Plessis de Richelieu, reprend finalement le château le 14 avril 1563. Dans le conflit qui oppose Louis XIII à Marie de Médicis, le gouverneur de Normandie, Henri II d'Orléans-Longueville, prend le parti de la reine-mère. Le capitaine Prudent, fidèle au gouverneur qui lui a confié le commandant du château, braque les canons sur la ville qui demande au roi d'intervenir. Du 14 ou 17 juillet 1620, le roi, assisté par César de Choiseul du Plessis-Praslin, assiège le château qui finit par se rendre. Certains proposent alors de faire raser le château, mais le roi préfère garder la forteresse malgré son faible intérêt militaire3. C'est le dernier fait d'armes important dans lequel le château joue un rôle direct. Le château est pris d'assaut par les révolutionnaires en 1789, puis par les royalistes en 1815 ; mais dans les deux cas, les autorités du château laissent rentrer la population sans intervenir.

     
    Armoiries du Dauphin de France duxve siècle retrouvées lors des fouilles de la salle des remparts.
    Le déclin de la paroisse Saint-Georges

    À partir du xvie siècle, l'usage purement militaire du château tend à se confirmer. La population civile déserte peu à peu l'enceinte castrale. L'église Saint-Georges a été construite pour accueillir une centaine de paroissiens, mais à la fin du xviiie siècle, les registres paroissiaux n'enregistrent plus qu'un enterrement par an dans le cimetière de32 m² qui entoure l'église, ce qui permet d'évaluer la population à environ 25 personnes. En outre, la part relative des familles de militaires tend à s'accroître et à devenir prédominante. Le nombre de militaires fluctue avec le temps. Après 1450, la garnison se compose de 50 hommes en armes et de 100 archers. Pendant la période d'agitation liée aux guerres de Religion, très violentes en Normandie, l'effectif remonte jusqu'à 250 têtes, avant de retomber à 50 le siècle suivant. À la fin du xviie siècle, sous le règne deLouis XIV, est construit un hôtel des Invalides ; à la veille de la Révolution, cette compagnie des invalides est constituée de 70 hommes et cinq lieutenants. À cette époque, sont également cantonnés dans l'enceinte du château quatre canonniers et un commandant d'artillerie, un arsenal et des magasins à poudre y ayant été installés.

    Les prisons du château13

    Le château est également utilisé régulièrement comme prison. Des geôles sont mentionnées dès 1184-1185 à l'angle sud-est de l'enceinte et vers la porte des Champs ; cette prison est transférée au xve siècle lors de l'occupation anglaise dans la rue Cattehoule et devient la geôle du bailliage qui donne son nom à la rue. À partir de cette période, la différentiation entre prisonniers militaires et civils est de plus en plus nette. On ne dispose pas de sources permettant de connaître la place des prisonniers dans le château au xvie siècle, mais il existe de nombreux documents concernant la période courant du xviie auxixe siècles. Le château de Caen n'est pas utilisé pour les prisonniers de droit commun qui sont envoyés dans la prison du bailliage ou le dépôt de mendicité de Beaulieu (actuel centre pénitentiaire de Caen à la Maladrerie). Les prisonniers du château sont de deux types : les civils envoyés par lettre de cachet et les captifs pour cause de guerre. Les civils envoyés parlettre de cachet sont peu nombreux ; on en dénombre seulement cinq entre 1753 et 1787. Les témoignages des prisonniers eux-mêmes, comme celui de Charles François Dumouriez envoyé à Caen en 1774, permet de comprendre que les conditions de détention sont loin d'être difficiles. L'emprisonnement au château de Caen reste en effet une faveur du roi ; cela permet au roi ou à une famille influente d'écarter provisoirement de la société un élément gênant sans lui faire subir de condition de détention dégradante. La deuxième catégorie de prisonniers, les captifs pour fait d'armes, est plus importante numériquement, mais reste assez limitée. Le château est mis sporadiquement à disposition pour interner des prisonniers capturés lors de sédition paysanne des (Va-Nus-Pieds en 1639) ou lors de guerre avec des ennemis extérieurs (les officiers espagnols venus de Flandres entre 1643 et 1648 ou les captifs de la bataille de Denain en août 1712). Il est possible que quelques protestants aient également été emprisonnés après la révocation de l'édit de Nantes en 1685. Les prisonniers étaient sous la surveillance de la garnison du château, mais tous les frais (habillement, nourriture, ameublements) étaient supportés par la ville. Il n'existait pas de prison à proprement parler dans le château. On utilisait telle ou telle pièce en fonction des besoins. Ainsi en 1771, il est fait mention de trois cachots dans le donjon, deux dans la porte Saint-Pierre et d'une prison à bonnet de prêtre à proximité de cette dernière porte ; six ans plus tard, il semble qu'il n'y ait plus qu'une cellule située dans une des tours de la porte Saint-Pierre. Un projet de véritable prison militaire constituée de chambres de disciplines fut proposé à la fin du xviiie siècle, mais jamais réalisé.

    La caserne (1789-1945)

    File:Caen chateau 1702.jpg


     
    Vue du donjon en 1702
    La prison révolutionnaire et la destruction du donjon

    Le 18 juillet 1789, le peuple s'empare du château et confisque les armes qui y sont entreposées.

     

    Charles-François Dumouriez, nommé gouverneur depuis peu de temps, accepte d'arborer la cocarde tricolore et la situation revient rapidement au calme.

     

    Pendant le reste de la Révolution française, le château est régulièrement utilisé comme prison par la ville qui peut ainsi isoler ceux qui sont identifiés comme étant des ennemis de la Révolution :

     

    le nouveau gouverneur du château, le vicomte Henri de Belzunce, en août 1789 ; 84 suspects royalistes en novembre 1791 ;

     

    l'ancien secrétaire de Jacques Necker, Georges Bayeux, en août 1792

     ; 230 manifestants refusant la conscription militaire en mars 1793.

     

    Les prisonniers les plus importants sont Claude-Antoine Prieur-Duvernois et Charles-Gilbert Romme, représentants en mission envoyés par la Convention nationale.

     

    Arrivés en pleine insurrections fédéralistes, ils sont assignés à résidence dans le presbytère de l'église Saint-Georges à partir du 12 juin 1793.

     

    Ils sont libérés un mois plus tard après la défaite des troupes fédéralistes lors de la bataille de Brécourt.

     

    Afin de punir cet affront, la Convention décrète le 6 août 1793 que « le donjon et château de Caen dans lesquels la liberté et la représentation nationale ont été outragées, seront démolis.

    Sur les ruines du donjon il sera planté un poteau, sur lequel seront inscrits les noms des députés déclarés traîtres à la patrie »

     

    . Les travaux de démolition commencent dès le 18 août.

     

    Le presbytère est démoli, le donjon en grande partie arasé et la porte Saint-Pierre endommagée.

    La prison militaire
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