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    COUTUMES DE LA GRANDE BOUCHERIE

     

    Statuts de la Grande Boucherie

    Les premiers statuts connus de la corporation remontent au XIIème siècle.

      

      

    En 1182 Philippe Auguste, répondant aux suppliques des bouchers, octroya la confirmation de leurs "antiques coutumes" concédées et perpétuées par son père, son grand père et ses prédécesseurs les Rois de France. Comme ces coutumes étaient restées orales, le Roi les fit coucher sur le parchemin et revêtir de son sceau.

      

    Il y a donc une reconnaissance des pratiques professionnelles d'un métier Juré, d'une Jurande, par la plus haute autorité du Royaume. Inversement, dans le Midi de la France et l'Italie, ce sont les autorités qui fixèrent les règles du jeu et imposèrent les usages aux artisans.

    Encore une fois, France du Nord et France du Sud diffèrent.

      

    Le texte ne comprenait que quatre paragraphes. Le premier affirmait que les bouchers pouvaient vendre et acheter bêtes et viandes en banlieue sans acquitter les péages et les coutumes. Ils pouvaient se livrer dans les mêmes conditions au négoce des poissons tant de mer que d'eau douce.

      

    Souvenons-nous, à ce propos, que des étaux de poissonniers souvent loués par les Maîtres de la Porte, garnissaient la ruelle des pierres à Poissons, à l'Ouest du Grand Châtelet.

      

    C'était une compensation pour le "manque à gagner" durant les 150 jours de Carême annuel. D'autres boucheries du royaume bénéficiaient d'avantages similaires, ce qui explique la présence de poissons dans leurs armoiries.

     

     

     

    Le hollandais William Beukels est réputé avoir inventé vers 1420 la caque, une méthode de conservation des harengs salés en tonneau à l'abri de l'air.

     

    Les articles III et IV se rapportaient à la fiscalité : pour travailler le dimanche les artisans devaient verser une obole au Prévôt. Chaque année, à l'Octave de Noël, les bouchers devaient verser douze deniers au Roi.

      

      

    A l'Octave de Pâques et à la Saint-Denis ils donnaient treize deniers à
    quelqu'un que le Roi mandatait pour cela. Enfin, à l'époque des vendanges, le Roi recevait le "hauban", une redevance en vin, en échange de laquelle les bouchers étaient autorisés à "trancher la viande de porc et de bœuf", c'est à dire exercer leur métier.

      

      

    L'article II faisait allusion aux repas, le "past" et "l'abreuvement", que tout aspirant à la maîtrise devait offrir aux Maîtres pour être admis parmi eux. Nous ne pouvons que déplorer le caractère succinct et l'imprécision de ces statuts. Qui était l'officier royal qui recevait treize deniers ? Était-ce l'un des quatre officiers qui bénéficiaient du past selon les statuts postérieurs de 1381 ?


    De même ces textes ne comportent pas la moindre allusion à la mise en commun des étaux ou l'hérédité du métier, deux coutumes importantes de la Grande Boucherie. Cependant il apparaîtra plus loin que dès 1250 le métier s'était fermé aux étrangers et que l'accession à la maîtrise devenait un privilège réservé aux fils de maîtres.

      

      

    Lorsqu'un conflit opposa la Communauté aux Templiers en 1282, les bouchers affermèrent détenir le monopole de vente des viandes et glissèrent une allusion à l'hérédité : "Dicebant se et predecessores suos esse et fuisse en possessione […] faciendi et constituendi carnifices ad scindendum et vendedum carnes pro tota villa, videlicet filios carnificum, auctoritate et assensu nostro."


    Vidimés en 1290, 1324 et 1358, ces règlements restèrent deux siècles durant tout ce que nous pouvons connaître des coutumes de la Boucherie.

      

    En effet le Prévôt Boileau n'enregistra point les règlements de la communauté dans son "livre des métiers" et ce ne fut qu'en 1381 que le roi Charles VI octroya de nouveaux statuts, beaucoup plus élaborés que ceux de Philippe Auguste.

     

     

    tuée du cochon

      


    Par malheur ce texte comportait lui aussi quelques lacunes : il ne traitait ni de la préparation des viandes, ni de l' hygiène alimentaire.

      

    Par conséquent il nous faudra recourir d'autres sources : les règlements en vigueur dans des boucheries concurrentes ou des procès-verbaux d'inspection.

      

    Nous nous référerons toutefois aux statuts de 1381 dans ce chapitre pour présenter le personnel de la boucherie, ses juridictions et les usages en vigueur, en nous gardant de commettre des anachronismes : rien n'indique que les usages de 1381 copiaient les "antiques coutumes" de 1096.

      

    Seront évoqués successivement les garants du maintien des usages : le Maître Chef, les Jurés et le Juge placé à la tête du tribunal de la boucherie; puis la mise en commun des étaux ainsi que l'hérédité et l'accession à la maîtrise.


    Le Maître Chef (ou Maître, ou Chef)


    La première mention de ce personnage remonte à 1196 : à cette date Louis VII établit une rente en viande à percevoir auprès du Maître des Bouchers, au profit d'une léproserie installée dans les marécages du Nord Ouest Parisien, sous le patronage de Saint-Lazare (a) .

      

    La fonction de Maître était surtout honorifique : le premier des bouchers devait représenter dignement la corporation auprès des plus hautes autorités civiles et religieuses.

      

    Il n'était pas d'assemblée du métier qui se puisse tenir en dehors de sa présence ou de décision prise sans son aval.

      

    Jusqu'en 1551, date à laquelle le Roi décida de nommer lui-même le Maître, celui-ci était élu par les Maîtres Bouchers durant une réunion extraordinaire.


    Dans un délai de un mois suivant le décès du Maître, les maîtres du métier se réunissaient pour désigner un collège de douze électeurs qui choisissaient à leur tour le nouveau Maître perpétuel. L'intérim, nous serions tenté d'écrire l'interrègne, était assuré par les quatre jurés qui percevaient en compensation les revenus habituellement versés au chef défunt.

      

    Le nouveau Maître devait compter avec les jurés : s'il incarnait l'autorité suprême, il n'était pas propriétaire du métier . A la différence du grand Panetier ou du grand Chambrier qui régentait la boulangerie ou certains métiers de l'habillement. Ainsi, " le dist maitre ne [pouvait] faire ne recevoir bouchier ne escorcheur senz l'accord et assentement des quatre jures et d'aucun des preudes hommes du métier]" (art. 6).


    De même contrôleur des dépenses de la Grande Boucherie il ne pouvait en être le gestionnaire : "ne fera mise en recepte par sa main (art. 8).

    Certaines décisions du Maitre Chef juges non conformes aux statuts ou à l'intérêt de la Communauté pouvaient être cassées par les Jurés.

      

    En 1459 Richard de Saint-Yon "ordonna et créa" comme Maire, Juge du tribunal, un homme de loi du Châtelet Robert Fessier.

      

    Le choix reçut l'aval desdits Jurés Thibert et Ladehors mais l' année suivante les nouveaux Jurés cassèrent cette nomination et procédèrent à l' élection d'un Maire plus conforme leurs vœux, Nicolas Chapelle, tandis que Fessier devenait procureur du tribunal.


    Les décisions du Maître étant à la merci d'une opposition des Jurés, il semble qu' il détenait moins le pouvoir que les apparences de ce pouvoir : les archives et le sceau que peu de corporations pouvaient s'enorgueillir de posséder.

      

    Le Roi se montrait, en effet, avare de ce genre de concession, car elle représentait une perte de revenus pour le Trésor : une redevance était perdue chaque fois que le sceau était utilisé pour authentifier un acte ou conclure une transaction .

      

    En ce domaine, comme en beaucoup d' autres, la Grande Boucherie tranchait sur les autres corporations parisiennes : " l'en doit avoir un petit seel ou signet qui sera tout propre et perpétuel à signer toutes les actes ou mémoriaux et les gagements que l' en fera des plaiz et des causes, lequel sera mis en la huche des papiers [archives ] ... dont l' une [des clefs] sera baillée au maistre, et l'autre au maire et la tierce à l'un des jurez".


    Cependant la fonction de Maître Chef n'était pas simplement honorifique, elle semble avoir été aussi une sinécure très recherchée.

      

    En effet, en sus des avantages en nature versés par tout aspirant à la maîtrise, le tiers des profits du métier tombait dans l' escarcelle du Maître: "de touz les prouffiz et émolumens qui ystront ou pourront issir de la juridicion desdis maitres et jurez soit en deffaux soit en amendes ou autrement, le tiers en tournera par devers et au proffit du dit maistre et les deux pars tourneront au proffit du commun".

    Sans aucun doute existait-il de lourds frais de représentations mais ils étaient sans commune mesure avec les bénéfices qui étaient retirés.

      

    Aussi la charge fut-elle activement recherchée et monopolisée par les membres des grandes familles, cette mainmise de ces dynasties étant favorise par l'élection au suffrage indirect.

     

    plan de Belleforest


    Le Maire et le tribunal de la Grande Boucherie

      

    Au Moyen-Age chaque seigneur lac ou ecclésiastique avait à cœur de défendre son rentable droit de justice dans les terres placées sous son autorité. La multiplication des tribunaux des forces de police et des compétences territoriales engendrait une anarchie dont profitaient les malfaiteurs.

      

    En changeant de rue ou d'immeuble le contrevenant pouvait échapper aux poursuites (en théorie). Jeté en prison, il pouvait se prétendre clerc et se faire réclamer par les tribunaux ecclésiastiques souvent plus cléments que les tribunaux du Prévôt, comme le fit le Maître Jean de Saint-Yon en 1417.

    Par un lent et opiniâtre grignotement le pouvoir royal réussit heureusement à amoindrir l'im

    portance des juridictions privées : au XVIème siècle, le Grand Châtelet devint le seul tribunal compétent à Paris.
    Par une insigne faveur du souverain la Grande Boucherie put se doter d'un tribunal privé jugeant tout fait de boucherie ou tout litige dans lequel un membre du métier se trouvait impliqué hormis les cas criminels relevant du Grand Châtelet.

      


    Les réunions du tribunal se tenaient trois fois la semaine, les mardi, jeudi et dimanche, dans la halle de la Porte, puis après la destruction de 1416, dans des hôtels particuliers.

      

    "Le maistre et les jurez jurent, quant ils sont crées et fais, que il seront presens en leurs personnes tous les trois jours que l'en a acoustumé de tenir leurs plaiz se ilz n'ont grand empechement et aideront au maire ou à cellui qui tendra les plaiz."

      

    Ce "Maire" dont il était question dans l'article 9, plus précisément nommé "maire et garde de la justice de la communauté des bouchers de la Grande Boucherie" était un homme de loi, institué juge du Tribunal. Il était quelquefois ordonné et crée par le Maistre mais il était, le plus souvent, élu par un "Conseil de la Boucherie" qui d'après ce que l'on connaît de l'affaire Fessier était composé de parlementaires et d'avocats du Grand Châtelet.

      

    En revanche nous ignorons tout des modalités d'élection du procureur assistant le Maire.

      

      

    Tout boucher ayant reçu notification par les écorcheurs sergents d'une convocation devait obtempérer sous peine d'amende ou d'interdiction d'exercer : "il pourra estre contrains à paier dix sept soulz six deniers […] mais selon a que les maistres et jurez le verront obéissants ils tasseront pour le premier deffaut douze deniers".

      

    A la troisième sommation "Lors li puet le mestier estre deffendu, du mestre ou des jurez" (art. 4). Son étal pouvait être détruit par les écorcheurs en cas d'obstruction violente.

     

     

    Caïn tuant Abel

      

      


    A la lecture des registres de séances du XVème siècle, dont deux tomes sont conservés à la bibliothèque historique de la ville de Paris, il semble que les bouchers étaient prompts à l'invective, n'hésitaient pas à se servir de leurs instruments de travail
    pour vider une querelle et avaient un sens particulier de la plaisanterie.

      

    En 1442, 1e boucher Jean Thienau coucha en prison pour avoir " pris et embrassé de forse "une certaine Jeannette des Perrois et l'avoir "mise par deux fois en la rivière jusqu'au dessus des genoux".

      

    Les statuts de 1381 reconnaissaient la rudesse des artisans: "que nul boucher ne die villenie a personne qui viengne acheter chars en la boucherie" (art. 20).

    De même, en 1456, tout en rappelant certaines règles d'hygiène, le tribunal dut interdire aux maîtres et aux étaliers de se critiquer mutuellement et de se lancer n' importe quoi la tête l'un de l'autre.

      

    Dans de nombreuses villes françaises, il existe des "rues des Bons Garçons", à proximité des abattoirs du Moyen Age. Ceci démontre que nos anciens ancêtres savaient manier l'ironie et ne se faisaient pas d'illusions sur les mœurs des écorcheurs…

    L

      

    es bouchers n'avaient point le monopole des pratiques douteuses; il serait exagéré de leur reprocher "une sorte d'hérédité psychologique" ou d'admettre que " leurs abattoirs [étant] confondus avec leur résidence ordinaire, ils ont toujours sous les yeux le spectacle des animaux tués […] De là des natures vulgaires...

      

    En réalité les bouchers semblent avoir fait de réels efforts pour policer leur métier. Les maîtres excommuniés ne pouvaient exercer ainsi que les maris de femmes de mauvaise vie "se aucun prent femme commune deffamée, sens le congié du maistre et des jurez,il sera privé de la grande boucherie toujours […] mais il pourra tailler à un des estaux de Petit Pont...

      

    Il reste que le mauvais exemple venait de très haut : Jean de Saint-Yon qui deviendra Maître Chef sous la domination anglaise fut jeté dans un cul de basse fosse à la Conciergerie.

      

    Les juges lui reprochaient d'avoir provoqué une bataille rangée après avoir lancé à son adversaire "villain puant je vous crèverai l'œil" et d'être passé à l'acte...

      

      

    En 1489 Joachim de La Dehors fut enfermé au Châtelet puis transféré au For l'Évêque pour cause de maladie. Enfermé au Petit Châtelet avec ses complices, il fut de nouveau transféré au Grand Châtelet où il était encore détenu pour " certains crimes et délits " en 1491. Lesquels ? On l'ignore, mais ils devaient être assez graves pour justifier une telle durée d'emprisonnement.

      

    Les Jurés et le Maire avaient aussi à juger des problèmes financiers : valets et étaliers réclamant le reliquat de leurs gages, fournisseurs désespérant du règlement de factures. Jean de Saint-Yon -un homonyme du Maître- fut exclu pour cette raison de la communauté en 1432.

      

    Plus heureux, Pierre Sevestre ou Guillaume Thibert furent contraints de payer leurs dettes aux épiciers et aux fripiers. La sévérité était le prix à payer pour ne pas discréditer le Tribunal.

     

     

    Les Jurés

    Au nombre de quatre en 1381 les Jurés étaient des Maîtres de la Grande Boucherie de Paris élus pour un an. A l'expiration de leur mandat (art.7), le jour de la redistribution des étaux, ils désignaient quatre de leurs collègues qui, à leur tour, désignaient les maîtres qui allaient un an durant
    tenir l'emploi de jurés; les quatre sortants "eulx memes ou d'autres selon ce que bon leur semble" (art. 15).

      

    Avec un tel mode électif, il n'y avait guère de chance pour quelqu'un n'appartenant pas à une grande famille de devenir juré..

      

    Prêtant immédiatement serment les nouveaux élus étaient investis du pouvoir de police. Par police il faut comprendre, selon les légistes du XVIème siècle, non point seulement l'actuelle police judiciaire, mais " un exercice qui contient en soi tout ce qui est nécessaire pour la conservation et l'entretien des habitants et du bien public ... ".

      

    La tâche était énorme : gestion financière, contrôle hygiénique, application des décisions judiciaires, respect des coutumes et surveillance des initiatives du Maître.

     

     

    Conjuration contre Caligula

      


    Les missions n'étaient pas sans risque et l'aide de trois écorcheurs assermentés sergents n'était pas superflue pour faire entendre raison à des artisans d'autant plus querelleurs et rancuniers qu'ils se savaient en faute.

      

    Ainsi, le 2 mars 1409, deux bouchers furent jetés dans les cachots de Saint-Germain "pour se qu'ils [avaient] été trouvez chargez et coulpables d'avoir esté de nuit avcaques plusieurs autres varlets bouchers [...] armez de bâtons ferrez espées et autres armeures pour vouloir battre [deux] sergens de Saint-Germain ou contents de ce qu'ils avaient est présens avecques Mons.

      

    le Prévot […] à faire la visitacion des suifs […] faisant laquelle visitacion l' en avait fait plusieurs rebellions ... "
    Cette pièce, il est vrai, se rapporte aux boucheries dépendant de l ' abbaye de Saint-Germain des Prés mais les oppositions, parfois violentes, étaient fréquentes dans tous les corps de métier.

      


    Il fallait recourir à des mesures coercitives : lorsque les sergents de la Grande Boucherie se heurtaient à un refus d'obéissance en signifiant à un boucher condamné une interdiction d'exercer, ils prévenaient aussitôt les Jurés qui décidaient "d'envoier force de leurs escorcheurs et de leurs gens qui l'estal dudit [...] désobéissant, pourront geter jus et abattre terre; ou se il persévère, despécier le ou ardoir ou getter en l'eau"(art. 4).


    Les Jurés mettaient leur point d'honneur à respecter l'esprit et la lettre du serment qu'ils prêtaient en entrant en fonction : "il garderont le mestier aux us et coustumes
    d' icellui et si mauvaise coustume y avait été alevée, i l'abattront et osteront a leur pouvoir et les bonnes garderont" (art. 16).

      


    L'inspection sanitaire était l'une des plus importantes tâches dévolues aux Jurés. Les viandes devaient être irréprochables et '"Le bouchier qui [vendaitl mauvaise char était puniz de LX sous d'amende et de foirier [sera frappé d'interdiction de vente] huit jours ou XV (art. 12). "

      

    Les animaux et les carcasses n'étaient pas soumis une inspection systématique car les rédacteurs des statuts avaient jugé que le travail s'effectuant au vu et su de tout le monde, la fraude devenait difficile.

      

      

    La délation était encouragée car "son voisin qui l'aura veu, se il ne l'en encuse, se il ne puet faire foy souffisans que riens n'en savait foirera selon le regart dessus dit".

      

    La sanction était rude mais c'était ce prix que les Jurés maintenaient la discipline et la cohésion du métier et lui gardaient une bonne renommée.

      

    Ne nous leurrons cependant point sur l'exemplarité de ces châtiments : les fraudes étaient certainement aussi fréquentes qu'à Saint-Germain des Prés ou Sainte-Geneviève dont les statuts contenaient un catalogue très fourni de pratiques formellement prohibées...

      

      


    Si les Maîtres de l' Apport avaient toujours échoué dans leurs tentatives d'exercer un droit de regard sur tous leurs concurrents, et particulièrement les boucheries ecclésiastiques, l'article 41 leur reconnaissait le droit -étonnant- de perquisitionner chez tout parisien soupçonné de de livrer à l'exercice illégal du métier ... " Se aucun autre que lesdiz bouchiers tait trouvé faisant tuer ou vendant en son hostel ou ailleurs […] " l'usurpateur était incontinent jeté en prison et les chairs détruites.Procès. Farce de Maitre Pathelin.


    En 1372 le Prévôt Hugues Aubriot étendit les tâches des Jurés à l'inspection des suifs "dont l'en fait ou pourrait faire chandelles", en les motivant par un intéressement aux amendes.
    La principale duperie en matière de chandelles de suif consistait à mélanger la graisse de bœuf avec des graisses de diverses origines. Les statuts des chandeliers de suif interdisaient clairement ces pratiques :

      

    "Nul vallès chandellier ne puet faire chandoiles chez regratier [gegne petit, détaillant en alimentation ]à Paris pour ce que li regrattier mettent leur suif de tripes et leur remanans [reste] de leurs oins ".

    Fagniez publia le compte rendu de l'interrogatoire d'un valet boucher de Saint-Germain qui n'est pas sans évoquer par sa saveur la farce de Maître Pathelin ..."Il estait en l'ostel de son maître avec [trois autres valets bouchers] et là affinoient et fondoient suif noir du demourant et des fondrilles de suif blanc qui le jour précédent avait esté fondu […]

      

    auquel suif blanc: fut mis […]du saing fondu . Une appellée Philipote [belle fille du Maître boucher] ala en l'ostel de Jean Bisart en une court et leur dit haute voix par dessus un mur […] que l'on visitait le suif parmy les autres ostelz de la boucherie et que

      

    ils fermassent les huys de l'ostel […] Tantost après eulx quatre dessus diz oÿrent hurter aud huys plusieurs coups dont l'un d'eulx, ne scet lequel, dist tels moz : je pense que vecy les visiteurs qui viennent. "

      

    La gestion financière était aussi au nombre des attributions des Jurés.

      

    Au terme de leur mandat ils devaient rendre compte de tous les émoluments, rentes, loyers et amendes qu'ils avaient perçues pour le métier ainsi que de toutes les sommes déboursées.

    Mais l'exercice judiciaire réclamant des compétences trés particulière, qui ne pouvaient s'acquérir qu'après de longues années d'études, le Maître et les Jurés s'entourèrent d'un personnel dévoué - il s'agissait souvent de parents des Maîtres de la Boucherie - et compétent qui les assistait dans les démarches ou les procès dans lesquels le métier se trouvait impliqué.

     

    Mise en commun des étals

      

    La mise en commun des étaux n'était pas clairement énoncée dans le texte de 1381. Une partie des boutiques de la halle du Châtelet et des établissements annexes restait la propriété de particuliers puisqu'en 1385 Philippette de Saint Yon donna à son neveu deux étals, peut-être pour se conformer à la règle de l' hérédité par les mâles qui venait d'être instaurée ?.

      

    Quoique imparfaitement respectée la mise en indivis des étals remontait aux débuts de la Grande Boucherie ... il faut se borner à rappeler ici les deux procès intentés en pure perte par Adam Harenc et le ménage Esselin et noter qu' en 1276 Jean Farone pour régler ses droits d' accession céda une bauve

      

    La redistribution des étaux se faisait chaque année : le vendredi après la Saint-Jacques et la Saint-Christophe [25 juilletl 'les quatre jurez nouveaux [prenaient] tous les estaux en leur main" (art. 17).

      

    Par ordre d' ancienneté dans le métier, le Maître Chef bénéficiant d'un droit de préemption, les maîtres défilaient pour énoncer leur choix. L'injustice de cette distribution, qui réservait les meilleurs étals et les profits les plus importants aux aînés, était amoindrie par de fortes disparités de loyer.

      

    Les nouveaux fermiers s'empressaient de louer à un marchand étalier, l'ancien locataire ou un autre plus à leur convenance, percevaient tout ou partie de la nouvelle annuité et réglaient les frais aux Jurés. Sous peine d'amende et d'interdiction d'exercer, les locataires devaient régler le reliquat de l'annuité ancienne (art. 19).

      

    La présence des Maîtres était obligatoire : nul ne pouvait "sauf se il n'a loyal essoigne" se dispenser d'assister la réunion sous peine de perdre ses privilèges pour un an.

      

    La règle était appliquée avec plus ou moins de rigueur mais en 1594 treize absents non excusés et deux absents qui avaient fait parvenir des lettres d' explication aux Jurés furent condamnés : leurs étals furent repris par les Jurés et gérés au bénéfice du métier. Il est vrai que les événements de 1587, la création d'une communauté des étaliers, auraient dû inciter les maîtres à resserrer leurs rangs et donner l'exemple d'un collège uni, soucieux de faire respecter ses droits.

     

    L'hérédité du métier

      

    Les rédacteurs de l' article 23 étaient formels: "nul ne peut estre bouchier de la grant boucherie de Paris ne faire fait de bouchier ne de boucherie se il n'est fils de bouchier de ycelle boucherie". Cette règle était-elle au nombre des antiques coutumes ou n' était-elle qu'une innovation puisque Philippe de Saint-Yon dut s'y soumettre en 1391 ?

      

    II semblerait que cette deuxième hypothèse soit avérée mais que ces usages, sous des formes quelque peu différentes, existaient dés le XIIIème siècle.

      

    En effet si les statuts de 1182 restèrent muets à ce propos, en 1280 lors du procès qu'ils intentèrent aux Templiers, les bouchers évoquèrent l'usage de restreindre l'accession au métier aux fils de maîtres.


    L'examen attentif des listes des maîtres présents aux assemblées permet de mettre en évidence un notable resserrement de l'éventail des patronymes. En 1260 sur vingt présents, quatorze appartenaient à douze familles différentes et six artisans étaient affublés de sobriquets ne permettant pas de préciser d'éventuels liens de parenté.

      

    Dés cette date il n'apparut plus de noms nouveaux, à l'exception de ceux des "bouchers créés" par le Roi à l'occasion de son avénement.


    Certaines lignées s'éteignirent. En 1406, pour douze présents on ne retrouve que six patronymes dont trois sont ceux d'artisans de création récente. Cinquante ans plus tard, en 1458, les trente et un bouchers présents -il n'y avait qu'un seul absent- se répartissaient entre six familles dont quatre ne remontaient pas au delà de 1400.

      

    Enfin à partir du XVIème siècle quatre lignées seulement subsistèrent :

    les Dauvergne et les Ladehors descendants de bouchers créés au XVème siécle, les Thibert et les Saint-Yon dont les ancêtres appartenaient à la Grande Boucherie avant le Xllème siècle.

    Cette continuité est remarquable : en règle générale les lignées bourgeoises s'éteignaient rapidement car il existait un déficit des naissances et la population des villes ne se maintenait ou ne croissait que par un afflux de sang neuf venu des campagnes.

     

    Roman de la Rose

     

      

    Pour s'établir Maître il fallait être fils de boucher né d'une union légitime. Les femmes ne pouvaient hériter ni transmettre le métier.

      

    Une veuve sans enfant ne pouvait continuer le négoce du défunt dés que les viandes restées en sa possession étaient épuisées (art. 13). Cette misogynie provenait de la crainte de susciter des concurrents: un nouvel époux aurait pu, comme au bourg de Sainte-Geneviève, s'imposer dans la communauté par ce biais.

    Les seigneurs de la Porte s' opposaient avec virulence à la " création " de bouchers car ceux-ci étaient souvent pourvus d' héritiers qui venaient prendre place dans les listes d'attente de la profession. Deux arrêts du Parlement furent nécessaires à Guillaume Haussecul pour exercer après avoir été créé et pour faire hériter son fils. Les Maîtres en place prétendirent que le jeune garçon ne pouvait exercer car il était né avant la création de son père.

      

    La situation ne laissa pas d'être préoccupante : Louis XI créa six artisans tandis que ses prédcesseurs n'avaient créé que deux artisans à leur avènement, un la Monnaie et un à la Boucherie. Aussi les bouchers du Châtelet demandèrent-ils et obtinrent que les créations fussent limitées en nombre et dépourvues de tout caractère héréditaire.

      

    Au quatorzième siécle les membres de la Boucherie "faisoient leurs enfants bouchers dés ce qu'ils n'avaient que sept ou huit ans, afin d' avoir grans drois et revenues sur ladicte boucherie" (lettre d'abolition Août 1416). Comme le nombre d' étaux était limité -trente deux dans la halle du Châtelet- et que le choix annuel s'effectuait par ancienneté, ces jeunes enfants devaient souvent attendre quelques années avant d'exercer.

      

    Au XVème siècle ces garçons n'étaient plus astreints à se salir les mains au contact de la viande et se contentaient des revenus du fermage, comme leurs pères dont ils étaient les "hommes de paille". Le travail des enfants n'était pas totalement disparu puisque, tout au long du XVème siècle, les Jurés leur recommandèrent de bien observer les usages du métier et insistèrent auprès des parents pour qu'ils donnent une bonne formation à leurs fils.


    A une époque plus reculée les petits maîtres exerçaient en personne leur négoce. Bien évidemment ils étaient incapables d' effectuer des travaux pénibles réclamant une force physique importante : la mise à mort des animaux ou la découpe des carcasses; mais ces tâches pouvaient être remplies par des valets leur solde ou plutôt à celle de leurs parents ou tuteurs.

      

    Les jeunes artisans pouvaient alors se consacrer des tâches compatibles avec leur maturité physique... ou intellectuelle : les enfants - apprentis ou jeunes bouchers - restaient joueurs, légers et volontiers fugueurs. Les rédacteurs des statuts de Charles VI reconnaissaient le fait mais ne l'expliquaient pas.

      

    Cependant, il était notoire que certains éducateurs avaient la main très rude.

     

    La réception


    Au terme d'un apprentissage dont aucun texte ne précise la durée, le candidat jugé suffisant par ses aînés accédait la maîtrise. Il ne lui était pas demandé de réaliser un chef d'oeuvre. Cet usage était peu répandu : à l'époque d'Etienne Boileau seuls les Chapuiseurs, qui fabriquaient les charpentes en chêne des selles, avaient fait enregistrer la confection d'un chef d'œuvre dans leurs statuts.

      

    Le chef d' oeuvre se répandit surtout à partir de la fin du XIVéme siècle dans les métiers parisiens. Ce fut un expédient élégant et efficace pour réserver la maîtrise aux fils de maîtres; les jurés réclamaient la réalisation d'un travail coûtNoces de Canaeux ou difficile : les tondeurs de draps, par exemple, fournissaient une pièce de tissu si élimée, si souvent utilisée que le malheureux candidat nepouvait gratter la moindre bourre...

    Le futur maître - ou ses parents lorsqu'il était trop jeune - devait acquitter certains droits et offrir un "past" et un "abreuvement" à divers personnages :

      

    le Maître Chef et sa femme, le Prévôt et le Voyer de Paris, le Cellérier et le Concierge du Palais, le Prévôt de l'Evêque de Paris.
    Le choix des bénéficiaires de ces largesses est significatif .

      

    Les deux Prévôts étaient les représentants des deux plus hautes autorités de la capitale:

    le Roi et l'Evêque, et méritaient quelque considération ce titre. L'Evéque, de plus, était censitaire de la Grande Boucherie pour les places aux Bœufs et de l'Ecorcherie.

    Le Voyer de Paris était une sorte d'ingénieur des ponts et chaussées dot de pouvoirs fiscaux : il réglementait, en concurrence avec le Prévôt des Marchands, l'emprise des étals sur la voie publique et en tirait bénéfice. La circulation devint trés difficile de ce fait dans les ruelles étroites
    de la Porte et même dans les grandes artères.

      

    Les liens qui unissaient la Grande Boucherie au Cellérier et au Concierge du Palais sont plus délicats à expliquer. Ces deux officiers étaient-ils les héritiers de celui qui touchait 13 deniers selon les statuts de Philippe Auguste ? Rien ne vient étayer cette hypothèse et nous nous bornerons citer une ordonnance du régent Charles V en 1359 (ns, "nouveau style" : l'année débute le 1er janvier et non au printemps, en "avril"). L'article 8 préfigurait les articles 38 et 39 du règlement de 1381.

      

    L'article 9 faisait état de relations entre le Concierge qui n'était rien de moins qu'un grand personnage et les écorcheurs : '"Et aussi s'il advenait que le dit Concierge voulait envoyer lettres à Gonesse pour faire venir bleds ou autre chose au grenier du Roy, les Escorcheurs de la

      

    Boucherie de Paris les doivent porter ou envoier à leurs propres cousts et despens". Ces liens étaient très étroits : en 1415, Jean de Troyes, chirurgien et concierge du Palais, compromis avec les Cabochiens sera mis au nombre des bannis.

      

    Les dépenses engagées par le candidat étaient importantes : le Prévôt de Paris recevait pour son "abeuvrement" un setier de vin, quatre gâteaux et une "maille" d'or qu'il faisait chercher par un serviteur en laissant deux deniers au jongleur du métier.

      

      

    Pour le past, le Prévôt recevait "soixante et uns livres et un quarteron pesant de chair de porc et de buef, et un chapon et un setier de vin st quatre gasteaux de maille à maille et de ce pais son message qui vient querri ledit vin et les gasteaux, deux deniers au jugleur de la salle".

    En versant un denier de pourboire au jongleur les autres bénéficiaires faisaient retirer leurs dons.

     

    Alfonse le sage, roi d'espagne

     

    Seuls la Maître et la Maîtresse participaient réellement à la collation (l'abreuvement) et au repas (le past) qui se déroulait dans la salle supérieure de la halle du Châtelet.

      

    D'après nos calculs, le nouveau maitre devait offrir, en nature, soixante quinze litres de vin, cent cinquante quatre livres de viande, vingt huit pains et vingt six gâteaux. A ces dépenses s'ajoutaient les frais d'achat de chandelles et torches qui éclairaient le Maître pendant les repas et le paiement de diverses "droictures" ...

      

      

    En réalité, la dépense était bien plus importante, car les autres Maîtres devaient également être invités, comme cela se pratiquait dans d'autres jurandes: sans doute étaient ils ces "compaignons qui menjuent avec" le Maître (art. 30 à 32).

      

    La maîtresse recevait aux deux repas "de chacun mès que l'on menjue, quatre mès, se se sont gelines, quatre gelines, et de touz les autres mès, de chacun mès quatre mès ... "(Art.31 & 33).


    Dès lors, il est aisé de comprendre qu'un valet boucher si économme fut-il, ne pouvait supporter une telle charge et n'accédait jamais à la maîtrise. Quant aux fils de Maîtres, ils perdaient de si fortes sommes dans des réceptions qu'ils s'endettaient lourdement et devaient récupérer ces frais sur leurs étaliers.

      

    Rappelons que ces pratiques furent invoquées par Charles VI dans les lettres d'abolition de la Communauté : " faisoient à leur entrée grant solempnité de disners qu'ilz appeloient leur past […]toutes lesquelles choses estoient à la charge de nostre peuple st l'enchérissement des denrées. "

     

    LA CONFRERIE DE LA BOUCHERIE


    Les premiers siècles du Moyen-Age furent marqués par une intense ferveur religieuse. Nombreux furent ceux qui, à l'approche de la mort, donnèrent tout ou partie de leur fortune à des oeuvres pieuses ou philanthropiques, manifestant de façon éclatante leur dégoût pour une existence futile ou vouée à la recherche des biens terrestres haïssables.

      

    Chacun, riche ou pauvre, craignant les foudres divines donnait selon ses moyens : la très grande puissance foncière du clergé n'avait pas d'autre origine qu'une multitude de dons, parfois extrêmement modestes.

      


    Saint Jacques de la Boucherie. En "C" le tympan de Flamel

    Un même zèle religieux poussa les artisans à se regrouper au sein de confréries qui constituèrent, avec le métier, une des deux facettes de la sociabilité professionnelle.


    Les buts d'une confrérie étaient non lucratifs ; les membres se réunissaient pour pratiquer leurs dévotions : messes, prières aux défunts, cortèges funèbres; et la charité : création d'hôpitaux, de maladrerie, distribution d'aumônes ...
    La plus grande confrérie parisienne, des "Prêtres et des Bourgeois de Notre-dame", et la confrérie des bouchers se distinguaient de leurs consœurs par le caractère non exclusif de recrutement de leurs membres : la Grande Confrérie Notre-Dame s'enorgueillissait de compter des princes dans son sein.
    De même, les statuts de l'association des Maîtres de la Porte indiquaient "ils ["les bouchers) ont bonne volonté et vraye affection de créér ordonner et establir une aconfrérie en l'honneur de la Nativité Jhésus Christ en laquelle ilz puissent acueillir toutes personnes qui de eulx y mettre auront devocion" .

      


    Ainsi aprés avoir réglé les droits d'entrée et la cotisation annuelle tout boucher, écorcheur, satellite ou sympathisant de la Grande Boucherie pouvait participer aux réunions de la Confrérie ... ou préparer un complot.

      

    Ce qui explique qu'à trois reprises le pouvoir royal -sous les règnes de Philippe le Bel, Charles VI et durant la régence de Charles V- décida d'abolir les confréries pour "éviter moult de maux que par assemblée de gens sous ombre de confrérie soulent ensuivre. "

    L'association créée par les artisans de l'Apport Paris était primitivement établie en l'église Saint-Jacques de la Boucherie. Nous avons déjà signalé qu'en septembre 1406

      

    "les bouchers de ce quartier se regardaient si fort au dessus des autres qu'ils avaient bâti une chapelle dans leur boucherie " et obtinrent de Charles VI l'autorisation d'y transférer leur lieu de culte.

      


    Aprés la démolition de 1416 et la reconstruction sur une base plus restreinte les confrères retournèrent à leur premier lieu de culte dans la chapelle dédiée à Saint-Louis, d'où le nom de "Confrérie de la nativité de Nostre Seigneur aux Maîtres Bouchers de la ville en la chapelle Saint Louis" sous lequel leur association figure de 1426 à 1432 dans les comptes de Saint-Jacques.

    Les membres se réunissaient une fois l'an pour leur fête solennelle " chascun an une fois seulement, c'est assavoir le Dimanche prouchainement ensuivant la feste de Noël

      

    ". Apres avoir célébré "une messe haulte belle et notable en l'honneur de la dicte nativité" les bouchers et leurs amis se rendaient dans la salle de fêtes de la halle puis dans un hôtel particulier après 1416 pour "disner ensemble et ordonner des faiz et besongnes appartenant à icelle confrérie".


    Ce repas de corps - payé par les cotisations - prit de plus en plus d'importance et le vertueux religieux de Saint Denis déplorait dés le XVème sicle que fête chrétienne et agapes impies se mélangent.

    Les associations pieuses, et bien que les document n'en disent mot c'était certainement le cas ici, réservaient les reliefs du repas ou quelques portions pour les pauvres et les malades des hôpitaux.


    Le profits de la Confrérie provenaient de trois sources : tout d'abord la récolte des dons, des legs ; ensuite la perception des droits d'entrée et des cotisations annuelles; enfin, le recouvrement des amendes frappant une absence à une messe, la négligence aux devoirs charitables . . .

    Les espèces ainsi recueillies étaient enfermées dans un coffre solide "pour mettre les aumonnes que les confrères d'icelle

    Confrairie y vouldront donner et aumoaner pour l'acroissement du service divin en icelle chappelle et pour lad [ladite] confrairie soustenir, [les confrères] auront une
    boete fermant à clef, pour les deniers qui y seront mis estre tournez et convertiz es bienffaiz d'icelle confrairie par la main de certains prodommas dud. mestier d'icelle boucherie et non d'autre".

    Les prud'hommes dont il est question dans ce texte de septembre 1406 étaient élus chaque année par " Le Maistre jurez et Communauté de lad. grant Boucherie" ce qui trahit une certaine défiance à l'égard des confréres qui n'étaient point des collégues.

    Les dépenses des confréries se répartissaient entre la repas, les messes et les oeuvres charitables parfois assise sur une rente, comme chez les drapiers de Paris car même dans ce Moyen-Age finissant la charité ne perdait pas encore tous ses droits ...

    Les confréries et les métiers se cotisèrent pour offrir des verrières aux églises. La présence de ces groupements était au départ discrète : des armoiries, un instrument de métier rappelaient seuls l'identité des mécènes.

    Ensuite le sujet profane devint de plus an plus important, empiètent sur l'espace sacré puis s'y substituant, la vitrail devenant quasiment une enseigne publicitaire ...


    Portail de Flamel, Saint Jacques  de la Boucherie

      

    Portail offert par Nicolas Flamel et sa femme, représentés agenouillés sous la protection de deux saints, aux pieds de la Vierge et du Christ (en "C" dans la gravure précédente).

     

     

    © grande-boucherie.chez.tiscali.fr

     

     sources

    http://grande-boucherie.chez-alice.fr/Communaute.htm

     

     

     

     

     

     

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    Le territoire boucher

     

    "C'est une île de faible surface qui s'étend au milieu du fleuve, et un rempart circulaire l'entoure de partout ; on y accède par des ponts de bois à partir de chaque rive. Il est rare que le fleuve baisse ou déborde ; en général, hiver comme été le débit est le même, et il fournit une eau très agréable et très pure à voir comme à boire si on en a envie. De fait, comme on vit dans une île, c'est surtout au fleuve qu'on doit tirer l'eau..."

    Julien, injustement surnommé l'Apostat, élu empereur par ses troupes dans l'Île de la Cité en Février 360.

     

    Hoffbauer, vue du quartier du Grand Châtelet au Moyen Age

     

    Louis VI fit édifier, au débouché de la rue Saint-Denis devant le Grand Pont, un petit château en remplacement d'une grosse tour de bois qui avait défendu l'Île de la Cité contre les pillards danois. Remanié, agrandi par Louis IX au détriment des maisons particulières qui s'étaient regroupées sous sa protection, l'ouvrage militaire devint l'un des principaux verrous de Paris : le Grand Châtelet.

     

    Devant sa façade nord, une petite place, simple élargissement de la patte d'oie terminant la rue Saint-Denis, rappelait par son nom, la "Porte de Paris", le temps où la poterne du Châtelet s'ouvrait sur une campagne peu fertile, un méandre mort de la Seine y ayant laissé des terres lourdes" marécageuses.

      

    Plus tard, par le jeu des homophonies, la Porte devint l'Apport, allusion à un petit marché à la volaille et à la sauvagine qui s'y installa fort à l'étroit. Dans ces lieux s'installèrent les fondateurs de la Grande Boucherie de Paris entre la Seine, la rue Saint-Jacques et les rues Saint-Martin et Saint-Denis, principaux axes routiers de la capitale dès l'époque romaine.

    L'établissement extra muros répondait à des considérations diverses tant hygiéniques que de commodité.

    En premier lieu, comme l'écrivit Raoul de Presles dans sa traduction de la Cité de Dieu de Saint Augustin : "L'on faisoit et les boucheries, et les cimentières tout hors des dites pour les punaisies et les corrupcions eschiever".

      

    Punaisie, du bas latin "putire" puer et "nasus" nez, signifie odeur et lieu puant. Cf. le petit insecte hémiptère piqueur qui, écrasé, laisse sourdre d'effroyables remugles d'alcool écossais : la punaise.

    Ensuite, la présence d'un point d'eau, la Seine, facilitait l'abreuvement des bestiaux assoiffés par leur longue marche de la pâture jusqu'à la tuerie.

    Enfin cette eau était indispensable au décrassage des écorcheries, au nettoyage des carcasses, des tripes et à l'évacuation des déchets ou des marchandises condamnées à être "ruées en fleuve" pour mauvaise qualité.

     

    Hoffbauer : Grand Châtelet

     

    Cet îlot boucher établi dans un désert se retrouva rapidement noyé dans des habitations : la pression démographique rendait indispensable l'édification de nouveaux quartiers et, par conséquent, de nouvelles fortifications.
    Devenu inutile le Châtelet fut transformé en prison et en siège de la Prévôté de Paris.

    Au sein du lieu "Le plus fétide et la plus encombré de Paris" il passait pour "après le gibet de Montfaucon, le monument le plus sinistre par sa physionomie et sa destination" : tribunal, siège d'institutions policières, lieu de torture, et prison ...


    De nos jours il ne subsiste rien qui puisse rappeler les fastes, les splendeurs et les horreurs des environs du Grand Châtelet. Par politique, goût du lucre ou par vandalisme les prédécesseurs, émules ou séides d'Haussmann ont anéanti les vestiges d'un passé attachant.

      

    Aussi c'est par la seule imagination que le lecteur sera convié nous suivre dans une visite du "temple" de la viande au début du quinzième siècle.

     

    Quartier du  Châtelet

     

    Le Grand Châtelet et la Porte

     

    Plan du quartier du Châtelet. 1596

     

    A cette époque, trois voies étroites s' ouvraient devant le voyageurs pour atteindre la Seine depuis l'Apport-Paris.

    Un passage voûté traversant du nord au sud l'ancienne forteresse, la rue de la Triperie à main gauche et la rue Pierre à Poisson à main droite. Cette dernière voie devait son nom l'existence de dalles sur lesquelles des étaliers proposaient toutes sortes de poissons d'eau douce pêchés en Seine ou achetés dans de lointaines provinces : Picardie, Champagne. Dans le "Livre des métiers", qu'il avait rédigé sur ordre de Saint-Louis, le Prévôt Boileau affirmait : '"L'on ne peut vendre à estal poissons d' eaue douce fors que la porte du grand pont, aux pierres le Roy et as Pierres Poissonniers".

     

    Les poissons de mer, et le plus réputé d'entre eux le hareng, n'étaient pas soumis cette interdiction. Il faut dire qu'ils étaient généralement vendus salés, pour se conserver plus facilement.

      

    Sous réserve que le salage ait lieu immédiatement après la pêche et non lorsque le poisson vire de l'œil, pour lui donner une fallacieuse deuxième jeunesse... La Cour et les grands bourgeois pouvaient consommer du poisson de mer apporté par des attelages de "Chasse marée".

    "Harenc caqué soit mis en eaue fresche et laissié trois jours et trois nuis tremper en foison d'icelle eaue, et au bout de trois jours soit lavé et mis en autre eaue fresche deux jours tremper, et chascun jour changier son eaue deux fois. Et toutesvoies le menu et petit harenc veult moins tremper, et aussi est d'aucun harenc qui de sa nature veult moins tremper l'un que l'autre. Harenc sor.

    L'en congnoist le bon à ce qu'il est meigre et a le dos espois, ront et vert; et l'autre est gras et jaune ou a le dos plat et sec." Extrait du "Ménagier de Paris".

     

    Marché, bois gravé italien de la Renaissance


    Le colportage n'était pas interdit mais limité : les quantités mises en vente par le colporteur ne pouvaient excéder la charge supportable par un homme dans un panier reposant sur le ventre, maintenu par une lanière passant derrière la nuque: "et ce fut deffendu pour l'amour de ce qu'on vendait les poissons emblez les mors les pourriz es lieus forains ".


    Entre "mi Avrille et mi Moi" les vendeurs de poissons, souvent simples locataires des bouchers, devaient fermer boutique : il convenait de protéger les géniteurs en période de frai. Les "pescheurs de l'eaue du Roy" devaient utiliser des filets au maillage conforme aux règlements.

      

    Faut-il voir dans ces mesures des considérations écologiques ou une illustration du principe médiéval du respect des coutumes et de la limitation des initiatives personnelles ?

      

    Lorsque les auvents, de la paille ou le jet d'un seau d'eau plus ou moins propre s'avéraient insuffisants protéger les poissons de la corruption, ceux-ci étaient saisis au bénéfice des prisonniers du Châtelet ou des malheureux mendiants, orphelins, fous et malades de l'Hôtel Dieu.
    A un stade trop avancé de putréfaction il fallait se résoudre à jeter les poissons dans le fleuve.

     

    volailles Tacuinum sanitatis


    En poursuivant la descente de la rue des Pierres à Poisson les voyageurs débouchaient sur une petite place cernée de maisons encorbellement d'où s'échappaient des senteurs agréables qui masquaient, quelquefois difficilement, les relents de marée.


    Cette place, qui après l'inondation de 1496 devint la "Vallée de Misère" puis se nomma "' Trop Va Qui Dure" était habitée par les cuisiniers. Les cuisiniers, ou "oyers" puisque ce palmipède était si apprécié qu'il leur valut ce nom, travaillaient dans de petites échoppes divisées en deux espaces différents. A l'arrière, dans "1'ouvroir", les artisans se livraient à la cuisson de leurs produits.

      

      

    A l'avant, la boutique donnait sur la rue par des ouvertures sans vitres, le verre étant une matière coûteuse, dotées de deux vantaux de bois. Le vantail supérieur servait d'auvent et le vantail inférieur tenait lieu d'étal.

      

    Comme il n'existait aucune séparation entre boutique et ouvroir les chalands pouvaient regarder travailler les cuisiniers et ces derniers pouvaient interrompre leur ouvrage pour servir un client. Certains commerçants préféraient se tenir sur le pas de porte et discutaient avec un client éventuel, faisant l'article ou le dissuadant par leur "baratin" d'aller acheter chez un concurrent dont la viande serait de peu de valeur, étique, ou faisandée.

     

    Maisons de la Tonnellerie


    Etienne Boilleau rapporta les usages professionnels des cuisiniers. "Nuls ne puisse garder viande cuite jusqu'ea au tiers jour pour vendre ne acheter se elle n'est salée souffisamment bien". Les animaux, achetés à la boucherie du Châtelet, devaient être "bons, loyaux et souffisants pour mengier et pour vendre, et qu'ils aient bonne mouelle". Les jurés du métier devaient surveiller leurs confrères : il n'existait à cette époque aucune administration chargée de contrôler la qualité des marchandises.

     

    Grand Châtelet, Saint Leuffroy et Pont aux Meuniers

     

    La Seine, bien plus large que de nos jours, car elle n'avait pas subi de travaux de calibrage, offrait un spectacle extraordinaire aux passants.
    Légèrement désaxé par rapport à la rue Saint-Denis, verrouillé au nord par le Grand Châtelet, le Grand Pont était l'un des deux ouvrages, avec le Pont Notre-Dame, qui franchissaient le bras nord du fleuve. D'abord construit en bois, ces ouvrages furent emportés par des crues et reconstruits en
    pierre.

    Ils portaient une double haie de maisons de part et d'autre d'une étroite chaussée centrale, ce qui n'était pas pour faciliter les déplacements.

    Dès 1141 des changeurs s'installèrent sur le Grand Pont puis l'ensemble de la profession dut s'y établir en 1305, par ordre de Philippe le Bel pour faciliter la surveillance des transactions monétaires ; le Grand Pont devint "Pont au Change". Mais d'autres corporations y tinrent boutiques :

      

    lesbouchers de la Porte y possédèrent quelques étaux.

     

    Un peu en aval, un spectacle plus curieux s'offrait aux badauds : le Pont aux Meuniers formait un mur de roues à aubes installées entre les arches de pierre, barrant quasi complètement la Seine à l'exception d'une petite portion restée libre, la "navière". D'autres moulins s'élevaient sur des pontons flottants amarrés à des pilotis ou aux arches des ouvrages d'art.

      

    La circulation des bateaux sur la Seine était aussi délicate que celle des chariots dans le labyrinthe des étroites ruelles de la Cité.

      

    Aussi, très tôt, autant pour protéger les ponts que les bateaux, les usages limitèrent le trafic fluvial. La Hanse des Marchands de l'Eau accapara peu à peu le monopole de la circulation des nefs et obligea les "forains" décharger en Grève ou s'associer un Parisien, un "français", pour traverser la capitale.


    Face au Grand Pont s'ouvrait la rue Saint-Leufroy qui faisait suite au passage voûté percé sous le Châtelet. La rue devait son nom à une chapelle, simple dépendance de Saint-Germain l'Auxerrois, placée sous le patronage de Saint Lieufroy dont les reliques avaient été apportées de l' Eure
    pour les soustraire aux Vikings.

     

    Une des maisons coincées entre le Châtelet et Saint-Leufroy se distinguait des autres habitations par ses sculptures de pignon qui l'avaient fait surnommer la Tête Noire. Jusqu'au XIVme siècle, l'élite des bourgeois parisiens se réunissait ici, jusqu'à l'achat de la Maison aux Piliers en place de Grève par le Prévôt des Marchands Etienne Marcel.

    En empruntant la galerie du Châtelet les promeneurs retournaient sur la place de la Porte. A leur droite s'ouvrait une minuscule venelle, la ruelle de la Triperie (ou de "l'Araigne", c'est à dire le croc de boucher). La quasi-totalité des étaux possédés par les membres de la Grande Boucherie était rassemblée sous un même toit. L'aspect de ce bâtiment nous est mal connu : au cours des siècles il subit des amputations, des remaniements et un arasement en 1416, " rasée rez pied, rez terre ", en représailles de la collaboration des bouchers avec les anglo-bourguignons.

      

    Le procès-verbal que dressa le Voyer de Paris avant la reconstruction de 1418 nous permet d'établir qu'au XVème siècle la base de la halle était un trapèze irrégulier, ce qui trahit le caractère composite de la construction formée par acquisitions successives.

      

     

    Tout autour du bâtiment, et même sur la rue de la Triperie qui, avec ses quatre six mètres de large ne demandait certes pas être amputée, étaient installées de petites échoppes abritées par un auvent : les "bauves" louées à des oyers ou des regrattiers (petits revendeurs en comestibles).

      

    En théorie, le Prévôt des Marchands devait veiller à ce que nul n'encombre les rues, mais il fermait les yeux, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes , selon le Livre du Châtelet de 1320 : " des estaulx mis parmy les rues dont il n'y a si petite poraière [vendeuse de poireaux] ne si petit mercier ne aultres quelconques qui mette son estal ou auvent sur rue qu'il ne recoive prouffit et si en sont les rues si empeschées que pour le grand prouffit que le Prévost des marchans en prent, que les gens ni les chevaulx ne pevent aler parmy les maistres rues".

     

    Grand Châtelet, plan  antérieur à 1621

     

    La Grande Boucherie comprenait trois niveaux. En premier lieu les caves où étaient entreposées des instruments, des détritus et même quelques pièces de vin de Bourgogne. Venait ensuite le rez-de-chaussée surélevé de trois ou quatre marches à l'ouest et l'est. Trente taux étaient disposées le long de deux allées se coupant à angle droit.


    La lumière provenait de hautes baies dépourvues de vitres. L'éclairage artificiel était prohibé : il pouvait donner un faux aspect aux viandes.
    Enfin, à l'étage était installée une salle des fêtes où les hommes de l'art pouvaient procéder aux élections, répartir les étaux et recevoir les nouveaux Maîtres. Une petite chapelle privée permettait le recueillement.

      

    Il a été évoqué plus haut les amputations qu'avait subi la Boucherie, aspect qui sera étudié plus amplement dans le chapitre historique. L'une des plus importantes fut en 1375 la destruction d'un "moult bel et notable hôtel" adossé à la Boucherie pour percer une rue neuve joignant la rue Saint-Jacques au Grand Pont. L'emplacement exact de cet "Hostel de l'Ange" encore appel "Four du Métier ou d'enfer" reste inconnu.

      

     

    Ensuite en 1416, les bouchers ayant embrassé la cause bourguignonne, les Armagnacs rasèrent la halle et abolirent la confrérie. Les vaincus de la veille étant revenus au pouvoir en 1418, le mesures furent rapportées et les Maîtres de la Porte purent reconstruire une halle, un peu plus petite que l'ancienne d'où le transfert -ou le retour - du lieu de culte en l'église Saint-Jacques de la Boucherie.

     

     

    L'Ecorcherie

    Située à angle droit de la rue de la Triperie, troisième voie d'accès à la Seine depuis l'Apport Paris, la rue du Chef Saint Leufroy venait se terminer devant le Grand Pont, le Pont au Change. Elle marquait la limite occidentale du coeur de l'empire boucher : "l'Ecorcherie", qui se trouvait bornée, au nord par la rue Saint-Jacques menant à l'Eglise du même nom, à l'est par la rue "Planche Mibray" ( portion méridionale de l'actuelle rue Saint Martin) et au sud par les berges de la Seine.
    Dans ce petit quadrilatère la toponymie reflétait la toute puissance des seigneurs de la Porte.


    L'enseigne d'un cabaret fréquentée par les écorcheurs avait donné son nom à la rue "Pied de boeuf".

    Peut être Villon cite-t'il d'autres cabarets parisiens dans son Lais, à moins que le bœuf couronné, d'où l'on chasse les mouches ne soit qu'une carcasse décorée de feuillages :

     

    Item, a Jehan Trouvé, boucher,
    Laisse le Mouton franc et tendre,
    Et ung tacon pour esmouchier
    Le Beuf Couronné qu'on veult vendre,
    Et la Vache, qui pourra prendre
    Le vilain qui la trousse au col :
    S'il ne la rend, qu'on le puist pendre
    Et estrangler d'un bon licol !

    François Villon


    Un marché donna son nom à la rue de la "Vieille place aux veaux" quelquefois nommée "place des Saint Yon" en l'honneur de la plus illustre dynastie des bouchers du Châtelet.*


    Une rue de la "Tannerie" coupait en deux la venelle de la "Tuerie" plus tard appelée rue de l'Ecorcherie" puis de la "Lessive".*

      

    Une rue de ce quartier porta même le nom évocateur de"Merderet". Nom qui se retrouve sous une forme ou une autre dans de nombreuses villes françaises : Foireuse (Niort), Merdeux, Merdelet Merdusson, Merdrons (à Niort et Chartres ), Merdière (Lagny) ou plus gentiment Pipi (Châlons sur Marne).

      

    Parfois c'est une petite rivière polluée parce que servant d'égout qui est appellée ainsi : Merderon, Merdereau, Merdanson, Merdaric, Merdron à Amiens, Auxerre, Beauvais, Le Mans, Noyon, Provins... (C.F. Leguay, Jean Pierre, -"La rue au moyen âge" Ouest France). Plus à l'Est du Châtelet, le ruisseau de Ménilmontant qui passait au pied de l'hôtel royal de Saint Pol était même surnommé le Grand Egout...

    Quant au nom "Planche Mibray" , c'était une allusion aux planches qu'il fallait emprunter pour traverser la braie, c'est à dire la gadoue, ou pis la m...

     

    Rue de l'arche Popin.

     

    Paris, il est vrai, n'était pas cette époque un haut lieu de l'hygiène publique. Non que l'on y appréciât la crasse : les bains publics abondaient dans des rues spécialement affectées à cet usage (une rue des Étuves Saint -Martin existe encore) ou en divers lieux jusque dans l'Ecorcherie.

      

    Un texte du XIVème siècle nous apprend que le boucher Haussecul possédait "une maison […] séant à la rue de l'Ecorcherie de la Grande Boucherie, tenant d'une part la maison ou hôtel où sont les étuves aux femmes ... " La réputation de ces établissements était douteuse : les gens d'église fulminèrent contre ces étuves et, sous le règne de Louis XIII encore, un cordelier s'écria "n'allez pas aux étuves et n'y faites pas ce que vous savez ." Le mot anglais "stew", bain, désigne encore actuellement une maison close.

    Dès que l'on quittait son logis, il fallait évoluer entre les détritus empilés devant les huis au mépris des ordonnances :

      

    en 1465, les ordures accumulées porte Saint Denis et Saint Antoine permettront d'élever hâtivement des éléments défensifs à l'extérieur des fortifications... Le piéton devait garder un oeil sur le ciel et écouter le cri rituel "gare, gare, gare" : la légende prétend que Saint Louis, se rendant aux Cordeliers reçut le contenu du vase de nuit d'un pauvre étudiant.

     

    Il fallait ranger au passage d'un troupeau , d'un chariot ou d'un cavalier qui projetait de la bouillasse jusqu'aux visages des piétons et laisser le "haut du pavé", cette portion de chaussée protégée par les encorbellements des maisons, à plus puissants que soi.

     

    A diverses reprises, preuve d'incapacité, les rois ordonneront un pavage, un curage des fossés, et la réalisation d'égouts. Charles VI constata : "et sont les chemins des entrées des portes si mauvaiz et telement dommagiez, empiriez et affondrez, que à de tres grans perilz et paines l'on y peut admener des vivres et denrées pour le gouvernement de nostre peuple".

      

      

    Théoriquement, chacun devait envoyer ses ordures hors les murs, mais en réalité les ordures étaient laissées sur place en comptant que les pluies et la force de gravité les emporteraient, ou que les cochons en feraient leurs choux gras. Le rabbin espagnol Maimonide considérait toutefois les porcs comme une source de pollution supplémentaire : "si la consommation du porc était permise, les rues et les maisons en seraient encore plus souillées, comme des latrines ou les fumiers, ainsi qu'on peut le voir en Gaule de nos jours".

     

    Les ordures étaient jetées en Seine...ce qui n'empèchait pas les porteurs d'eau de se fournir en liquide dans le fleuve...

      

    D'autres villes expérimentèrent des solutions ingénieuses : à St Omer, tout livreur de matériaux de constructions devait repartir avec un volume équivalent d'ordures! Des accords furent passés avec des paysans des environs pour qu'ils fument leurs champs avec les boues de ville.

    Dans le quartier de la Porte, comme près des boucheries de Saint-Germain des Prés ou de Sainte-Geneviève, la situation était pire encore.

      

    A tous les inconvénients que nous venons d'évoquer s'ajoutaient les matières fécales, les urines, les rognures et les morceaux de gras, ainsi que ce qu'il faut bien nommer des ruisseaux de sang s'écoulant dans les caniveaux en provenance des échaudoirs établis dans les rez-de-chaussée des boutiques.

     

    La mauvaise hygiène favorisait la contagion en cas d'épidémie. Les puces et les rats pullulaient dans les villes encombrées d'ordures. Et certains germe, par exemple celui de la peste, survivent longtemps dans les cadavres contaminés.

     

    Bien évidemment, la nappe phréatique ne pouvait pas longtemps supporter une telle charge de polluants et les puits ne délivrent pas de l'eau de source.

     

    Plus effrayant encore, les portes de Paris pouvaient, en temps de guerre, s'orner de cadavres d'ennemis suppliciés. Quant au cimetière des Innocents, ses tombes peu profondes empuantissaient le voisinage et servaient de garde manger aux cochons de Saint Antoine, seuls autorisés à se promener librement dans Paris depuis 1131...

      

    Tout animal errant pouvait être capturé : ainsi en 1418, le sinistre bourreau Capeluche reçut 25 sous pour avoir mené un porc à l'Hôtel Dieu.

     

    Nous ne saurions terminer ce voyage imaginaire sans évoquer l'édifice qui donna son nom au quartier : l'église Saint-Jacques de la Boucherie, ainsi nommée car elle était située au début du chemin vers Compostelle.

     

    Tour saint Jacques de la Boucherie
    De cette église fondée au Xème siècle agrandie au XIVème et au XVIème siècles, ne subsiste de nos jours qu'un clocher d'époque Renaissance quoique bâti dans le plus pur style gothique flamboyant. Le précédent clocher ayant été jugé indigne de la paroisse, la décision fut prise de le remplacer en 1501. Les travaux ne commencèrent toutefois qu'en 1508 pour finir en 1522.

    Ce clocher est tout ce que les révolutionnaires laissèrent debout, car la tour servit à fabriquer des plombs : on chauffait le métal au sommet de la tour et on le lançait dans le vide. Des grilles fractionnaient la masse en fusion et les gouttelettes finissaient leur course dans de grands bacs d'eau...

    "Leur église, car c'est ainsi qu'on peut bien, en réalité, nommer l'église Saint-Jacques-la-Boucherie, dont ils étaient les principaux et les plus nombreux paroissiens, a subi également, à diverses reprises, des changements, mais ce fut toujours pour agrandissement.

    Aussi, on peut dire qu'elle a été en quelque sorte construite de pièces et de morceaux. La simple chapelle, élevée à sainte Anne vers 954, se trouve, en 119, devenue église paroissiale. Evidemment, on a dû singulièrement l'agrandir ; de 1119 à 1217, elle s'est encore augmentée. Dans le cours de l'année 1217, un acte fut donné par l'abbé de Saint-Maur, en décembre, qui permettait aux confrères de Saint-Jacques d'augmenter leur église, s'ils le jugeaient convenable.

      

    L'abbé Vilain, dans son Essai historique sur cette église, a donné trois plans iconographiques indiquant les diverses modifications qu'elle a subies depuis le treizième siècle jusqu'à l'époque où il écrivait. L'on conçoit, dès lors, qu'en procédant ainsi par voie de réparations et d'adjonctions successives, on n'ait jamais pu faire de cette église un édifice remarquable. Aussi contenait-elle des piliers dits vieux et des neufs, des voûtes de style différent.

      

    On y voyait des chapelles gothiques à côté de chapelles modernes. Comme la paroisse, quant il s'agissait de faire un agrandissement, n'était pas toujours disposée à voter la dépense nécessaire pour achat de terrain et pour frais de construction, on s'ingéniait beaucoup pour obtenir donation du terrain qu'on convoitait.Le nombre des donateurs qui ont contribué à embellir et agrandir cette église est assez considérable : les noms de la plupart sont parvenus jusqu'à nous.

      

    Parmi ces donateurs, on doit citer Jacqueline la bourgeoise, teinturière, rue de Marivaux : en l'année 1380, elle laissa, par disposition testamentaire, 22 livres pour restaurer le chœur de l'église.

     

    Marie Béraud, veuve d'Antoine Héron, et mère de Marie Héron, femme d'Abel de Sainte-Marthe, doyen de la Cour des aides, fonda, au profit de cette église, la dépense des toiles nécessaires pour l'ensevelissement des pauvres.

     

    Vers le même temps, Jean Damiens et Jeanne Taillefer, sa femme, faisaient bâtir deux voûtes de bas côtés méridionaux : leurs armes, qui terminaient les nefs de ces deux voûtes, ne permettent pas de douter qu'il faille leur attribuer ce morceau de bâtiment qui renfermait alors une chapelle

     

    " F. Rittiez, Notice historique sur la tour Saint Jacques de la Boucherie. 1856


    Il était aussi d'usage d'enterrer les morts de qualité dans les chapelles privées, sous les vitraux représentant la vie professionnelle des confréries ou sous les dalles du chœur. Ceci n'allait pas sans quelques émanations fort peu angéliques.

      

    Mais, en contrepartie le clergé était assuré de la générosité des bourgeois qui quittaient cette vallée de misère. Le plus célèbre donateur de Saint-Jacques, Nicolas Flamel, y gagna une bonne renommée posthume (quoiqu'entachée du reproche d'alchimie, alors que sa richesse ne devait rien à la pierre philosophale mais provenait de l'usure et de la spéculation immobilière).

    Divers métiers s'étaient fait attribuer des chapelles pour se livrer à leurs dévotions et pour y tenir les réunions de leurs confréries, ce qui n'était pas toujours du goût du clergé car les offices étaient quelquefois troublés.


    Les bouchers avaient fait de même. En 1406, toutefois, " ils se regardaient si fort au-dessus des autres qu'ils avaient bâti une chapelle dans la boucherie. Ils exposèrent au Roy Charles VI qu'ils désiraient y établir une confrérie en l'honneur de la Nativité de notre Seigneur".


    Cette confrérie "dont on sent assez par le choix du jour de cette fête l'allusion au boeuf qui estait en étable de Bethlehem, suivant l'idée des peintres" fit retour à la chapelle Saint-Louis après la destruction de 1416 .

     

    Saint Jacques de la Boucherie. Début XIXème siècle
    Les bouchers du Châtelet et leurs satellites comptèrent parmi les membres influents de la paroisse. Certains devinrent marguilliers : ces laïcs étaient élus par "une assemblée d'environ 120 notables" (1432).

    Ou moins : une quarantaine au seizième siècle, car on prétexta qu'il fallait " éviter murmure et scandalles." Ils géraient les biens temporels de la paroisse. Parmi les listes de ces "marregliers de l'œuvre et fabrique"dressées par M. Meurgey, nous pouvons relever les noms de Bonnot, de Pierre Bonefille (Maître Chef) et d'Eudes de Saint Yon en 1270, puis ceux de Dauvergne, de Marcel ...


    Les marguilliers surveillaient les dépenses de la paroisse : cens et rentes dues à d'autres paroisses ou à des particuliers, achats de bougies, d'huiles, de "chapeaux de roses vermeilles", frais de procès et de travaux d'embellissement ou d'agrandissement.


    Les recettes provenaient de rentes ou de locations de biens : en 1315 la communauté des bouchers racheta, pour 10 livres parisis de rente, un étal et un cellier que la paroisse possédait dans la halle du Châtelet. Souvent, ces rentes avaient été données par des paroissiens en échange de l'établissement de messes perpétuelles : chaque mois un service était célébré à la mémoire de Simon de Saint Yon, deux obits (messe anniversaire pour le repos d'un mort) étalent instituées pour le repos de l'âme de Jean Bonefille.

     


    La politique n'était pas absente de la vie de la paroisse. Jeanne Dupuis, veuve en premières noces de Nicolas Boulard, eut à subir les foudre du "parti des bouchers bourguignons qui dominoit alors dans la paroisse". Remariée à Jean de la Haye, elle suivit ce dernier dans sa fuite en 1419.

      

    Considérée comme responsable du non paiement des rentes assignes à la fondation de trois messes quotidiennes par son premier mari, la malheureuse vit ses biens saisis. Elle obtint en 1436 des lettres de rémission car elle était "de très grand âge, comme de soixante dix ans ou environ, fort débilitée" et put rentrer dans Paris, comme beaucoup de fugitifs de 1418. Puis elle mourut, en 1436 ayant récupéré ses biens grâce à la "réduction d'icelle ville en l'obéissance du Roy".

    Puissance, brutalité, aspirations politiques et goût de la chicane n'est-ce pas, résumé en une anecdote, toute l'histoire de la Grande Boucherie de Paris ?

     

     

     

     

    © grande-boucherie.chez.tiscali.fr

      

    SOURCES

    http://grande-boucherie.chez-alice.fr/Grand-Chaelet-Grande-Boucherie.htm

      

      

      

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    Hygiène, fraudes et inspection sanitaire

     

    Dés sa naissance, sans aucun doute, le commerce engendra la fraude : des viticulteurs gaulois avisés de la Narbonnaise contrefaisaient adroitement les marques de négociants campaniens et paraient ainsi leurs piquettes du prestige des meilleurs crus italiens.

    Le Moyen-Age connut lui aussi ses fraudeurs : les produits de la glyptique antique et tout particulièrement les " grylles ", ces figures grotesques composes d'une tête et d'une paire de jambes sulptées dans des camées étaient imités à la perfection par des artisans joailliers.

      

    Les tapissiers "sarrazinois" cités par le Prévôt Etienne Boileau, imitaient au vu et su de tous les fleurons de la tapisserie arabe.

      

    Boulangerie

      


    Les "regrattiers" mouillaient quelquefois leur lait, à leurs risques et périls... Les boulangers eux-mêmes n'étaient pas toujours très délicats : en 1316 tandis que la disette sévissait, seize artisans furent condamnés au pilori puis au bannissement du Royaume pour avoir mêlé des ordures à leurs farines ...

    Les bouchers de Paris ou d'autres villes recouraient quelquefois à des pratiques qui pouvaient porter préjudice à la santé des consommateurs, formellement interdites par les Ordonnances royales ou par les règlements des Communautés.

    Le respect des bonnes coutumes était l'une des attributions du Maître Chef et des Jurés de la Grande Boucherie, en l'absence de tout service sanitaire officiel.

    Les Inspections des tueries ou des étals semblent avoir été fréquentes, voire systématiques. Tous les bouchers étant installés dans un espace restreint : il était difficile un contrevenant de ne pas être trahi par un voisin jaloux ou craignant de devoir acquitter la taxe de non dénonciation ...


    Bien évidemment les inspecteurs ne pouvaient durant leur travail faire appel à des notions de microbiologie ou de parasitologie.

     

     

      

      

    Pas plus que les médecins de l'époque, ils ne savaient que les asticots étaient pondus par les mouches et pensaient qu'ils naissaient par génération spontanée. Ils étaient bien incapables de relier le ténia, grand ver parasite de l'intestin de l'homme, aux petits grains blancs dans la viande bovine, ses formes larvaires.

    Cependant, si nos ancêtres du Moyen-Age ignoraient tout des agents infectieux, ils possédaient quelques idées sur le caractère nocif de certaines denrées, idées quelquefois entachées de considérations religieuses, superstitieuses.

      

    Ou de conclusions hatives : si une épidémie de rougeole s'abat sur la France en 1411 et qu'une épizootie de clavelée ravage au même moment les troupeaux de moutons, avec des rougeurs comme symptômes communs, c'est que la maladie peut passer de l'homme à l'animal.

     

    Ils avaient pu constater que certaines affections de l'animal pouvaient se transmettre à l'homme et que des mauvaises pratiques ou des erreurs de travail pouvaient faire rapidement "tourner" les viandes.

     

    Le Prévôt de Paris interdira aux charcutiers de vendre "chair cuite, soit qu'elle soit en saucisses ou autrement, qui soit puante ou infectée, et non digne de manger à corps humain."

      

    "Que chascun charcutier cuise les chairs qu'il cuira en vaisseaux [récipients] nets et bien écurés; et couvre les chairs, quant elles seront cuites, de nappes et linge blanc qui n'ait à rien servi depuis qu'il a été blanchi."

     

    "Nul cuisinier, ne paticier, ne pourront tuer ne faire tuer nulle bestes, fors cochon de lait, pour ce qu'ilz ne sont pas cognoisseuans de maladies qui sont ès betes" ( Henry VI de France et d'Angleterre 1425, boucherie d'Evreux).

      

    Inspection ante mortem

    Les animaux devaient arriver sur leurs pieds jusqu'au lieu de l'abattage et de la découpe : ceci permettait d'empècher que des bouchers malhonnètes tuent discrètement des bêtes malades, voire qu'ils saignent une bête morte et ne les apportent ensuite à la découpe.

      

    Les animaux destinés à l'abattage devaient être en parfaite santé ; à plus forte raison la préparation de viandes cadavériques était prohibée :

      

    "nul bouchier ne pourra admener chars mortes pour escorchier ne vendre, ne aussi tuer aucune bête malade qui ne menguent [mangent] point qui ne soient voues par les jurez avant qu'ils les tuent" (Statuts de la Boucherie de Sainte-Geneviève 1381).

      

    " Que nul bouchier ne soit si hardy de vendre chars à la porte, se elle n' a été vue estre vive de deux ou trois hommes qui le tesmoigneront par un serment convenable et souffisant, et non pourtant ne la povant-ils vendre tant que les Juréz l'aient veue et instituée à bonne" ( Le Mans, statuts de 1317).

     

    Comme aujourd'hui, les personnes chargées de faire respecter l'hygiène alimentaire pouvaient décider de laisser consommer ou non un animal malade, en appréciant le risque pour le consommateur : "l'an de grace l305 […] fut arse [brûlée] une vache qui fut condampnée par les jurés et par le maire [...] pour ce que la dite vache n'estait pas souffisant et qu'elle avait été IIII jours en son hostel, que les piez ne pouvaient porter le cors ...

      

    "Une exception notable : les porcs nourris avec les résidus de boulangerie, car ils étaient obèses. Ils pouvaient donc être amenés en chariot.

      

    Mais ces animaux, qui permettent aux boulangers de gagner correctement leur vie, étaient moins recherchés que les porcs de banlieue ou de province nourris aux fruits des bois.

      

    Une mention toute particulière était faite des bestiaux atteints du fil encore appellé fy ou loup, transmissible à l'être humain. A Sainte-Geneviève '"Nul boucher ne pourra tuer char pour vendre qui ait le fil sur peine d'être arses devant son huys, gectée aus champs ou en la rivière et de payer l'amende ".

      

    Même prescription à Pontoise en 1403 "que toutes bêtes aumailles gouteuzes, mortes de loup ou fy courant ne doivent astre vendues en la dicte boucherie".

      

    Cette maladie est mal identifiée, mais on peut raisonnablement penser qu'il s'agissait de la tuberculose.

      

    Toute bête simplement suspecte étant détruite, ceci montre que les bouchers du Moyen Age étaient plus radicaux que nos services sanitaires actuels puisque, au début du XXème siècle, on assainissait certaines viandes en les cuisant à l'autoclave et que, actuellement, toutes les formes de tuberculose n'entrainent pas une saisie totale.


    Du fait de son caractère de commensal de l'être humain, et de ses moeurs alimentaires assez répugnantes, le cochon semble avoir été soupçonné d'être à l'origine de maladies variées : "Nul bouchier […] ne pourra tuer char de porc qui ait est nourris en maison de huillier, de barbier, ne de maladrerie sur peine estre gectées aus champ ou en la rivière et de payer l'Amende (Sainte-Geneviève).

     

    Nous avouons ne pas comprendre l'ostracisme frappant les pourceaux élevés par les huiliers : leur chair était-elle désagréablement parfumée par les résidus da pression des amandes, des olives ou autres oléagineux ? Etait-elle huileuse ?

      

    L'interdiction d'abattre des pourceaux vendus par des barbiers se comprend plus facilement : ces artisans soignaient des malades, effectuaient des saignées ou des amputations. L'horreur de l'anthropophagie, par cochon interposé, s'alliait à l'hygiène dans l'esprit des législateurs.

     

    L' interdiction frappant les cochons nourris en maladrerie pose un problème. Peut-être voulait-on éviter tout contact entre individus sains et lépreux? La claustration des malades dans les léproseries ou "maladreries" n'avait pas d'autre but.

      

    On confondait également sous le même vocable la "ladrerie" ou cysticercose porcine, affection parasitaire due à un ténia dépistée par les languiers et la "ladrerie" humaine, la lèpre infectieuse, quelquefois caractérisée par des formes noduleuses.

     

    Cette hypothèse est confirmée par la lecture du "traité de Police", de Nicolas de La Mare et par divers textes antérieurs. Sous le règne de Charles VI, des "langoyeurs" institues par le Maître Chef se chargèrent d'inspecter les porcs pour dépister la ladrerie.

      

    En 1517, on marquait les porcs ladres à l'oreille, et leur viande était "assainie" par quarante jours de salage, temps suffisant pour tuer les parasites. " Les porcs dont les chairs ne sont encore que sursemées de quelques grains de ladrerie peuvent être ramendez. Si les chairs ne sont pas encore corrompues, le sel peut en corriger la malignité, on peut ensuite en user sans péril.

      

    La chair de porc sursemée sera mise au sel pendant quarante jours puis vendue dans un coin particulier des Halles, [marqué] par un poteau et un drapeau blanc" ( in traité de police de Delamare, 1729). De nos jours, on serait plutôt tenté de recourir à la congélation, s'il n'y a pas trop de kystes répugnants.

     

    Les porcs les plus atteints étaient amputés d'une oreille et leur viande n'était pas destinée à la vente en boucherie. Elle devait être ruée en Seine, mais sous Louis XI, on la juge assez bonne pour les prisonniers du Châtelet. Ou bien, on pouvait la donner aux lèpreux, puisqu'ils étaient déjà infectés.

     

    La viande des femelles en activité sexuelle n'était pas utilisée.
    "Sa il y a quelque vache qui requière le toreau ou qui y ait esté de nouvel, ou qui ait de nouvel veellé [...] une truie qui est en ruit ou qui a nouveau cochonné il esconvient qu'elle soit résidiée de 3 sepmaines et 3 jours avant qu'elle soit disirée de vendre" (Pontoise 1403).

     

      

    Sans doute les considérations hygiéniques (risque de microbisme post-partum) ne pesaient-elles pas lourd devant le dégoût de la sexualité.

    Les animaux trop jeunes n' étaient pas abattus : "nul bouchier ne pourra tuer ne vendre char de lait, se elle n'a plus de 15 jours" (Sainte-Geneviève).

    "Le veau ne doit étre vendu en ladicte Boucherie se il ne a XVII jours frans, et si ne doit estre plus hault de une nuit en sa pel et n'en doit on oster quelque membre jusques a se que la pel en soit toute hors" (Pontoise).

     

    Les jurés ne méconnaissaient pas la maturation des viandes, absolument nécessaire à son attendrissement : "On ne pourra […] exposer nulles chars chaudes et nouvelles tuées jusques à ce qu'elles soient refroidies bien…"

      

    (Henry VI, roi de France et d'Angleterre, 1426, boucherie d'Evreux).

      


    Il fallait plutôt craindre la trop grande maturation ou la putréfaction des viandes, puisqu'il n'existait aucune méthode correcte de longue conservation des aliments, si ce n'était le salage et l'entreposage dans des pièces fraîches, parcourues par des courants d'air perpétuels. Ceci étant, les bouchers pouvaient et devaient ajuster la quantité de bêtes abattues aux consommations estimées.

      


    A Saint-Médard, nul boucher ne pouvait "ne par lui ne par autre tuer char, quelle que elle soit, au jour dont l'en ne mengera point de char l'endemain..." Idem à Sainte geneviève.
    Il était aussi interdit de tuer des animaux dans les derniers jours du Charnage et à plus forte raison dans le Carème, sauf pour les malades.

      


    Le Prévôt ordonna en 1391 de brûler "toute char fresche [non salée] gardée du jeudi au dimenche et tout rost aussi gardé…" Au total, il semble que les viandes devaient être consommées dans les deux jours suivant l'abattage.

      

    Donc, la légende d'un cuisinier du Moyen Age camouflant l'odeur des viandes putrides sous une tonne d'épices est totalement controuvée.

     

     

     

    Nous ne saurons malheureusement jamais de quelle façon se comportaient les artisans de la Porte lorsqu'ils découvraient un kyste hépatique, un abcés pulmonaire ou des arthrites non décelées à l'inspection ante mortem.

      


    Paraient-ils largement la pièce de découpe surtout lorsque l'aspect des lésions était trop répugnant ? Se contentaient-ils d'ôter les formations suspectes et maquillaient-ils les défauts de leurs viandes ?
    II semble que ce fut parfois le cas, car le Prévôt de Paris dut leur interdire de laisser brûler des chandelles autour des étaux aprés sept ou huit heures, selon la saison :

      

    les bouchers "presque tout au long du jour avoient et tenoient grands foisons de chandelles allumées en chascuns leurs étaux.

      

    Par quoi leurs chairs, qui étoient moins loyales et marchandes, jaunes, corrompues et flétries, sembloient aux acheteurs très blanches et fraîches sous la lueur d'icelles chandelles." Le travail de nuit était interdit à tous les métiers, sauf exception : par exemple les armuriers, pour une commande urgente et vitale....


    Ainsi, les autorités réclamaient des bouchers qu'ils vendissent "de bonnes chars et loiaux et marchandes". Ce n'était pas toujours le cas mais, comme aujourd'hui dans les pays ou les classes sociales défavorisés, les chalands se souciaient souvent plus de manger que de la qualité de la nourriture.

     

     

    Il semble que dans certaines villes du Midi, les animaux malades ou accidentés étaient interdits de commercialisation dans le circuit des boucheries traditionnelles, mais qu'elles pouvaient être vendues dans des boucheries de deuxième rang. Dès lors, il y avait un marché à deux vitesse :

      

    les gens aisés pouvaient faire acheter de la viande réputée saine au "mazel" et les pauvres se rendaient à la "bocaria" pour acheter de la viande malsaine, en toute connaissance de cause.

     

     

     

     

     

    Les ordures, boues et effluents

     

    Au terme de ce chapitre consacré à l'inspection sanitaire nous désirons évoquer le délicat problème des effluents.

      

    Nous avions rappelé dans le premier chapitre la déplorable situation dans laquelle se trouvait Paris au Moyen-Age : aucun égout digne de ce nom, des rues boueuses remplies d'immondices, des puits contaminés par des fosses à déjections à l'étanchéité sciemment déficiente.

      

    Sciemment, car la vidange d'une fosse par les Maîtres "Fy Fy " coûtait cher au propriétaire, alors que si l'on disjoignait discrètement quelques moellons de maçonnerie, on pouvait espacer les curages…

     


    "Chacun laisse boues fientes et ordures devant son huis, au grand grief des créatures humaines" (Ordonnance de 1388). La situation était des plus catastrophique encore près des tueries et des boucheries : les urines, les fientes, le sang des bêtes écorchées, le contenu des viscères, les sérosités empruntaient des rigoles creusées dans le sol des ateliers, coulaient dans les rues et stagnaient dans les caniveaux.

      

    Les bouchers de Sainte-Geneviève eurent à soutenir les attaques de l'Université qui réclama, longtemps en vain, le respect de la loi : les ordures devaient être transportées hors de la capitale et répandues dans des champs, loin des cours d'eaux ou des voiries.

      

      

    Une ordonnance royale, en 1353, dut interdire le rejet des immondices sur la voie publique et le comblement des fosses :

      

    "Nul ne pourra avoir ezvier ne agout par lequel il puisse laissier couler sang […] ne autre punaisie se ce n'est eaue qui ne sente aucune corruption. "

      


    "Nul bouchier ne pourra avoir ne tenir fosse, et celles qui a présent sont, seront emplies dedans la mi août prochain venant, aux dépens et frais de seulz qui les ont ... "

    En 1366 un arrêt du Parlement constatant l'inefficacité de ces mesures exila les bouchers de Sainte-Geneviève en dehors de Paris :

      

    "Seront tenuz de tuer […] sanz laissier aller ne getter les ordures de leurs escorcheries, excepté que les fanz et laveures qui pevent passer par uns plataine de fer [trémie] percée tros mesnuz du gros d'un petit doigt d'un homme ..."

     

     

    Les bouchers d'Amiens connurent les mêmes difficultés en 1281 (ordonnance du 1er avril) : " Il est interdit aux bouchers d'écorcher leurs moutons, veaux, agneaux, pourceaux et autres menus bétails dans leurs maisons ou devant leurs étals, car le sang, les boyaux et la fiente des entrailles de ceux-ci sont jetés et coulent depuis leurs maisons et leurs étaux dans la rue ce qui corrompt l'air, rend malade les hommes, et fait souffrir les passants à cause de cette abomination.

     

     

    Il est donc ordonné aux bouchers de tuer les animaux à l'écorcherie. Ils pourront toutefois tuer des animaux chez eux à condition qu'ils recueillent le sang et les ordures dans des récipients qu'ils iront ensuite porter à l'écorcherie "..

      

    Leurs collègues du Châtelet ne subirent pas le même sort car ils étaient installés dans une enclave industrielle dont tous les habitants tiraient leurs revenus du travail de la viande et des cuirs : bouchers, écorcheurs, tanneurs, tripiers ... Ils purent dont, à loisir, empuantir le voisinage et souiller les rives de Seine en amont du Louvre.

      

    L'abolition de la Communauté en 1416 devait s'accompagner d'un transfert de la tuerie dans un terrain de l'Ouest parisien "prés ou environ des Tuileries Saint-Honoré qui sont sur ladicte riviére de Seine, oultre les fossez du chasteau de bois du Lovre".

    Cette excellente mesure fut hélas rapportée "et l'eaue de la riviére de Seine [resta] corrompue et infecte par le sang et autres immondices desdites bestes qui descendait et que l'en gectoit en ladite rivière de Seine ..."

     

    Peut être les autorités parisiennes auraient elles pu s'inspirer d'une mesure radicale des échevins d'Amiens en 1413 :

      

    " Tout animal découvert en train de divaguer, sera amputé d'une patte la première fois, d'une seconde patte en cas de récidive puis livré au bourreau si le propriétaire n'a pas encore compris. "

     

    Mesure jamais appliquée ; en 1454 il faudra rappeler : " Parce que plusieurs inconvénients peuvent naître à cause du fait que plusieurs personnes demeurant en la dite ville entre les quatre portes, nourrissent des pourceaux dans leur maison, celliers, ou d'autres lieux et que ces bêtes sont sales, corrompent l'air à cause de leurs odeurs, ce qui pourrait rendre dangereusement malade des gens, ces messieurs de la ville ont fait crier et ordonner que personne ne nourrisse des pourceaux entre les quatre portes de la dite ville. "

     

    Précisons toutefois, à 1'intention des beaux esprits et persifleurs, prompts se moquer de nos lointains ancètres que l'on ne cessa qu'en 1849 d'épandre les ordures à Montfaucon et que la capitale ne fut dotée qu'en 1894 d'un réseau de tout-à-l'égout au terme d'une bataille épique ou s'illustrèrent médecins et ingénieurs des Ponts et Chaussées...

     


    éxécution de la truie de Falaise

      

      

    La fameuse truie de Falaise. Elle fut condamnée à mort pour avoir dévoré un jeune enfant.

     

    sources

    http://grande-boucherie.chez-alice.fr/Hygiene-fraudes.htm

     

     

     

     

    Les Jurés

     

    Au nombre de quatre en 1381 les Jurés étaient des Maîtres de la Grande Boucherie de Paris élus pour un an. A l'expiration de leur mandat (art.7), le jour de la redistribution des étaux, ils désignaient quatre de leurs collègues qui, à leur tour, désignaient les maîtres qui allaient un an durant

      


    tenir l'emploi de jurés; les quatre sortants "eulx memes ou d'autres selon ce que bon leur semble" (art. 15). Avec un tel mode électif, il n'y avait guère de chance pour quelqu'un n'appartenant pas à une grande famille de devenir juré..

     

     

     

    Prêtant immédiatement serment les nouveaux élus étaient investis du pouvoir de police. Par police il faut comprendre, selon les légistes du XVIème siècle, non point seulement l'actuelle police judiciaire, mais " un exercice qui contient en soi tout ce qui est nécessaire pour la conservation et l'entretien des habitants et du bien public ... ".

    La tâche était énorme : gestion financière, contrôle hygiénique, application des décisions judiciaires, respect des coutumes et surveillance des initiatives du Maître.

      

    Conjuration contre Caligula


    Les missions n'étaient pas sans risque et l'aide de trois écorcheurs assermentés sergents n'était pas superflue pour faire entendre raison à des artisans d'autant plus querelleurs et rancuniers qu'ils se savaient en faute.

      

    Ainsi, le 2 mars 1409, deux bouchers furent jetés dans les cachots de Saint-Germain "pour se qu'ils [avaient] été trouvez chargez et coulpables d'avoir esté de nuit avcaques plusieurs autres varlets bouchers [...] armez de bâtons ferrez espées et autres armeures pour vouloir battre [deux] sergens de Saint-Germain ou contents de ce qu'ils avaient est présens avecques Mons. le Prévot […] à faire la visitacion des suifs […] faisant laquelle visitacion l' en avait fait plusieurs rebellions ... "

    Cette pièce, il est vrai, se rapporte aux boucheries dépendant de l ' abbaye de Saint-Germain des Prés mais les oppositions, parfois violentes, étaient fréquentes dans tous les corps de métier.


    Il fallait recourir à des mesures coercitives : lorsque les sergents de la Grande Boucherie se heurtaient à un refus d'obéissance en signifiant à un boucher condamné une interdiction d'exercer, ils prévenaient aussitôt les Jurés qui décidaient "d'envoier force de leurs escorcheurs et de leurs gens qui l'estal dudit [...] désobéissant, pourront geter jus et abattre terre; ou se il persévère, despécier le ou ardoir ou getter en l'eau"(art. 4).


    Les Jurés mettaient leur point d'honneur à respecter l'esprit et la lettre du serment qu'ils prêtaient en entrant en fonction : "il garderont le mestier aux us et coustumes
    d' icellui et si mauvaise coustume y avait été alevée, i l'abattront et osteront a leur pouvoir et les bonnes garderont" (art. 16).


    L'inspection sanitaire était l'une des plus importantes tâches dévolues aux Jurés. Les viandes devaient être irréprochables et '"Le bouchier qui [vendaitl mauvaise char était puniz de LX sous d'amende et de foirier [sera frappé d'interdiction de vente] huit jours ou XV (art. 12). "

    Les animaux et les carcasses n'étaient pas soumis une inspection systématique car les rédacteurs des statuts avaient jugé que le travail s'effectuant au vu et su de tout le monde, la fraude devenait difficile.

    La délation était encouragée car "son voisin qui l'aura veu, se il ne l'en encuse, se il ne puet faire foy souffisans que riens n'en savait foirera selon le regart dessus dit".

      

    La sanction était rude mais c'était ce prix que les Jurés maintenaient la discipline et la cohésion du métier et lui gardaient une bonne renommée.

     

     

    Ne nous leurrons cependant point sur l'exemplarité de ces châtiments : les fraudes étaient certainement aussi fréquentes qu'à Saint-Germain des Prés ou Sainte-Geneviève dont les statuts contenaient un catalogue très fourni de pratiques formellement prohibées...


    Si les Maîtres de l' Apport avaient toujours échoué dans leurs tentatives d'exercer un droit de regard sur tous leurs concurrents, et particulièrement les boucheries ecclésiastiques, l'article 41 leur reconnaissait le droit -étonnant- de perquisitionner chez tout parisien soupçonné de de livrer à l'exercice illégal du métier ... "

      

    Se aucun autre que lesdiz bouchiers tait trouvé faisant tuer ou vendant en son hostel ou ailleurs […] " l'usurpateur était incontinent jeté en prison et les chairs détruites.

     

    Procès. Farce de Maitre Pathelin.

    En 1372 le Prévôt Hugues Aubriot étendit les tâches des Jurés à l'inspection des suifs "dont l'en fait ou pourrait faire chandelles", en les motivant par un intéressement aux amendes.

      

    La principale duperie en matière de chandelles de suif consistait à mélanger la graisse de bœuf avec des graisses de diverses origines. Les statuts des chandeliers de suif interdisaient clairement ces pratiques :

      

    "Nul vallès chandellier ne puet faire chandoiles chez regratier [gegne petit, détaillant en alimentation ]à Paris pour ce que li regrattier mettent leur suif de tripes et leur remanans [reste] de leurs oins ".

     

    Fagniez publia le compte rendu de l'interrogatoire d'un valet boucher de Saint-Germain qui n'est pas sans évoquer par sa saveur la farce de Maître Pathelin ...

      

    "Il estait en l'ostel de son maître avec [trois autres valets bouchers] et là affinoient et fondoient suif noir du demourant et des fondrilles de suif blanc qui le jour précédent avait esté fondu […] auquel suif blanc: fut mis […]

    du saing fondu . Une appellée Philipote [belle fille du Maître boucher] ala en l'ostel de Jean Bisart en une court et leur dit haute voix par dessus un mur […] que l'on visitait le suif parmy les autres ostelz de la boucherie et que

    ils fermassent les huys de l'ostel […] Tantost après eulx quatre dessus diz oÿrent hurter aud huys plusieurs coups dont l'un d'eulx, ne scet lequel, dist tels moz : je pense que vecy les visiteurs qui viennent. "

     

    La gestion financière était aussi au nombre des attributions des Jurés. Au terme de leur mandat ils devaient rendre compte de tous les émoluments, rentes, loyers et amendes qu'ils avaient perçues pour le pour le métier ainsi que de toutes les sommes déboursées.

    Mais l'exercice judiciaire réclamant des compétences trés particulière, qui ne pouvaient s'acquérir qu'après de longues années d'études, le Maître et les Jurés s'entourèrent d'un personnel dévoué - il s'agissait souvent de parents des Maîtres de la Boucherie - et compétent qui les assistait dans les démarches ou les procès dans lesquels le métier se trouvait impliqué.

      

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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    Il fut un temps ou les épices étaient aussi rares et chers que l'or. Arabes, Vénitiens, Portugais, Hollandais… Tous ont voulu contrôler la route des Indes et dominer le fructueux commerce des épices. (Mars 2004)

      

    Qu'est-ce qu'une épice ?


    Le mot "épice" (du latin "species" qui signifie "substance"), apparu à la fin du XIIème siècle, désigne une substance aromatique d'origine végétale.

    Les épices sont originaires pour la plupart des régions tropicales d'Asie (Inde, Indonésie, Asie du sud-est) et d'Amérique (Mexique, Pérou, Antilles).

    Les épices ne constituent pas une famille botanique en tant que telle et proviennent de différentes parties de plantes : le gingembre et le curcuma sont des rhizomes ; la cannelle est une écorce ; le clou de girofle est un bourgeon ; le safran est une fleur ; le poivre et la coriandre sont des fruits ; la noix de muscade et la moutarde sont des graines... 

      

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    La route de la soie suivait le même parcours que la route des épices

    Sur la route des épices


    Dans l'Antiquité, en Mésopotamie, les Assyriens et Babyloniens utilisaient déjà des épices dans la nourriture, en médecine et en parfumerie. Le commerce des épices était alors comparable en importance à celui de l'or ou des pierres précieuses. Les Egyptiens se servaient aussi des épices pour embaumer les morts, confectionner des parfums et des onguents.

    Ce sont les marchands arabes qui, les premiers, ont rapporté des épices de Chine et d'Inde vers l'Occident. Alliés aux Vénitiens, ils bâtissent une puissante marine qui leur assure un rôle influent en Méditerranée.

    A partir du XVème siècle, les navigateurs portugais, à la suite de Vasco de Gama, franchissent le cap de Bonne-Espérance et se lancent pour eux-mêmes dans ce fructueux commerce.

      

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    La route des épices est alors contrôlé à l'est par les Arabes et au sud par les Portugais. Christophe Colomb convainc la couronne d'Espagne de tenter sa chance par... l'ouest. Et, bien qu'ils n'arrivent pas aux Indes, ils découvrent l'Amérique, un autre continent riche en épices.

    Au XVIIème siècle, c'est au tour des marchands hollandais et anglais de se lancer dans le commerce des épices en créant des compagnies et des comptoirs sur les côtes asiatiques.

    En 1654, les Français s'installent aux Indes avec la création par Colbert de la Compagnie des Indes Orientales. Plus tard, ils développent la culture des épices dans leurs colonies de la mer des Antilles (Guadeloupe, Martinique) et de l'océan Indien (Madagascar, La Réunion, Maurice).

    A la fin du XVIIIème siècle, les Anglais dominent le marché des épices, alors que leurs cours sont en baisse. 

    Aux XIXème siècle, la culture des épices s'est très largement étendue. L'Indonésie, restent un fournisseur important, mais est supplantée sur le marché international par l'Amérique latine.

      

      

    De nos jours, les épices sont devenues de banals ingrédients de l'art culinaire. Aujourd'hui en France, l'épice la plus consommée est le poivre (86 000 quintaux importés par an), suivi par le gingembre, le safran et le curcuma (63 000 quintaux environ chacun), les piments (28 000 quintaux), la cannelle et la muscade (8 000 quintaux environ chacun), le girofle (6 000) et la vanille (4 000).

     

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    SOURCES

    http://cuisine.journaldesfemmes.com/magazine/dossier/0403epices/histoire.shtml

     

     

    Les épices étaient très rares au Moyen Age, elles étaient tellement rares qu’elle coutaient plus cher que... l’or (qui était déjà très cher à l’époque) !!! Elles ont joué un rôle important dans l’histoire culinaire, culturelle voire scientifique.

     

     

    De la Grèce antique, jusqu’aux débuts des temps modernes, la route des Épices est aussi celle de la Soie : elle part de Chine, traverse l’Asie pour atteindre l’Europe.

    Tout au long de cette route terrestre, entre l’Orient et l’Occident, les riches marchands gardent le contrôle des échanges commerciaux : de la soie contre des épices, des épices contre des bijoux, des fourrures, des couvertures de laine ou de la vaisselle de luxe.

     
     
     
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    Les épices fascinent par leurs parfums, leurs saveurs et leurs vertus médicinales. On disait même qu’elles avaient des pouvoirs magiques ! C’est au Moyen Age que se développe une véritable folie pour les épices : poivres, girofle, cannelle, muscade et macis, gingembre, cardamome, safran, sumac, galanga…

    Les marchands racontent sur elles des récits fabuleux : la graine de paradis n’est-elle pas pêchée aux filets dans les eaux du Nil (qui prend sa source au jardin d’Eden !). Quant à la cannelle, ce sont les brindilles des nids de gros oiseaux carnivores. Ces histoires étranges entretiennent la curiosité des clients fortunés qui veulent absolument posséder des épices.

    Les riches seigneurs disposaient des épices sur la table lors des grands banquets pour montrer leurs richesses.

    En bref, les épices étaient très importantes au Moyen Age.

                                                                                                                                         Par Léo, 5e 1.

    http://colleges.ac-rouen.fr/dunant-evreux/SPIP/spip.php?page=article&id_article=1437

     

     

    File:Calicut 1572.jpg

     

     

    Soiries et épices sont les principales marchandises que trafiquaient les Polo et les commerçants occidentaux. D'une grande valeur sous un faible poids, les marchandises étaient revendues plusieurs fois leur prix d'achat en Orient. Les plus pauvres occidentaux se contentaient d'herbes locales ou de poivre. Les couches supérieures de la société recherchaient les épices les plus exotiques et les plus chères . Snobisme oblige. Ainsi s'explique la vogue du poivre long, plus rare que le poivre normal, jusqu'à ce que l'on découvre sa provenance réelle, puis que le piment américain apparaisse sur les tables et le remplace.

    Dès l'empire romain, les Arabes s'emparèrent du commerce des épices car leurs pays étaient des intermédiaires obligés entre le monde méditerrannéen et le Sud-Est asiatique. Les marchands occidentaux, coupés des sources d'approvisionnement propageaient ils des légendes sur ces épices, involontairement ou sciemment : leurs produits n'en paraissaient quye plus désirables.

    Ainsi le poivre noir ne doit pas sa couleur au sèchage et à la fermentation mais au feu que les récolteurs doivent périodiquement mettre à la forêt où il pousse, pour en chasser les serpents mortels qui l'infestent. Telle est du moins l'opinion d'un savant du XVIème siècle, Bartholomeus l'Anglais.

    Pour Joinville, historien et sénéchal de Saint Louis qui avait accompagné son maître en Croisade en Egypte, il était avéré que les épices - gingembre,
    rhubarbe, cannelle et aloes- étaient pêchées dans le Nil, avec des filets, après qu'elles soient tombées du Paradis...On sait désormais que ce n'est pas vrai : la rhubarbe asiatique a désormais envahi nos jardins et tout restaurant chinois propose du gingembre confit.

     

     

    Seule la Maniguette a garda longtemps de son aura, puisque cette épice africaine s'appelle encore "graine de Paradis"...

     

     

    Décrits par Marco Polo, les Cynocéphales sont les indigènes des iles Adaman, dans l'Océan Indien. Quoi que dotés d'un aspect peu amène, ces hommes-chiens sont bien plus civilisés que les Sciapodes, Blemmies et autres Cyclopes qui habitent la lointaine Sibérie, ou les idolâtres anthropophages de Java la mineure (Sumatra). Ils se livrent à la récolte et au commerce des épices qui traverseront la moitié du globe pour venir sur les tables parisiennes.

     

    Petit somme réparateur sur un sac d'écorce de Cannellier. Pour les hommes du Moyen Age, qui révèrent les textes de l'Antiquité, la cannelle est une épice trouvée dans le nids de divers oiseaux, dont le fabuleux phoenix, cet animal qui renait de ses cendres.

     

    © grande-boucherie.chez.tiscali.fr

     

     

     

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